André Hurst

rencontre avec le recteur de l'université de genève

etudiants.ch: Professeur Hurst, comment se porte l'Université de Genève?
Très bien, merci. A l'heure où la recherche suisse est plus reconnue que jamais dans le monde, Genève occupe une place importante dans la communauté scientifique, avec notamment 3 pôles nationaux de recherche. Un premier dans les matériaux supra-conducteurs, un second nommé «frontiers in genetics», et un dernier centré sur les émotions. Presque tous les secteurs d'une université généraliste sont couverts avec les trois thématiques de ces pôles de recherche, qu'il s'agisse de la Physique, la Psychologie, la Médecine, des Lettres. Quant au nombre d'étudiants, il se monte désormais à près de 15'000, dont 38% d'étrangers, ce qui fait de Genève la seconde plus grande université de Suisse derrière Zurich. Malheureusement les ambitions de l'Université se heurtent à la situation difficile des finances publiques, dans le contexte de concurrence internationale qui est le nôtre aujourd'hui. D'où notre inquiétude de voir partir les cerveaux vers l'étranger, ce qui représenterait une perte pour les étudiants, et la société suisse en général. De plus, nos structures sont beaucoup trop rigides, comme par exemple nos procédures de nomination qui prennent deux ans, délai qui peut se réduire à deux semaines aux Etats-Unis ! Nous sommes d'ailleurs en train de faire un gros travail de réflexion à ce sujet.

Quelle est la position stratégique de l'UNIGE face aux autres universités suisses?
Nos atouts sont la richesse qu'apporte la coexistence de tous les domaines d'études, ainsi que l'aspect international de la ville, avec l'immense réservoir de compétences que représente la présence des organisations internationales, à côté de l'Institut de hautes études internationales et de l'Institut d'études du développement. En plus de cela, Genève fait partie des 12 universités de la League of European Research Universities (LERU). Mais cette collaboration prestigieuse ne nous isole pas du reste de la Suisse. Nous avons ainsi une coopération très importante pour nous sur l'arc lémanique avec l'Université et l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. En effet, si l'on se projette une génération en avant, on observera certainement deux grands centres: un premier à Zurich et un second sur l'arc lémanique. Pourquoi? Ce sont les deux seuls endroits de Suisse où l'on trouve réunies sur un même terrain, Lausanne et Genève ne formant qu'un seul territoire (sourire), une palette universitaire vaste, ainsi qu'une école polytechnique. De plus, si on met ensemble les budgets ou le nombre d'étudiant de ces deux groupes, vous voyez que les groupes sont en gros équivalents.

Et pour le reste de la Suisse?
On voit nettement émerger un binôme Fribourg - Berne, une constellation des petites universités (Saint-Gall, Lucerne, Tessin) et pour finir Bâle et Neuchâtel. Bâle est en train de s'allier avec Zurich, quant à Neuchâtel... Avec 120 millions de budget (contre 650 millions pour Genève), l'Université neuchâteloise choisira peut-être entre rester généraliste ou se concentrer sur un certain nombre de champs d'excellence... Mais cela reste un pronostic pour les 30 ans à venir. Nous avons néanmoins besoin de cette place lémanique pour pouvoir être sur un pied d'égalité avec Zurich, afin que tout le monde y gagne, y compris le contribuable, qui voit ainsi en cette collaboration la meilleure utilisation possible de son argent...

L'Université de Genève est très bien cotée dans les rankings internationaux. Comment gérez-vous ce genre de statistiques?
Si le classement est bien fait, il peut servir d'aide pour le choix des futurs étudiants. Mais les critères sont souvent aléatoires, et l'on ne peut en tout cas pas s'en servir pour notre pilotage! Prenez par exemple le Times, qui fait chaque année un classement des 200 meilleures universités mondiales. L'année passée, nous n'y figurions pas, et maintenant nous sommes 88ème! Est-ce que nous avons bossé comme des fous entre les deux années ? Je ne le crois pas... (sourire). On ne va donc pas commencer à dire «c'est débile!» quand on n'y figure pas et l'encenser lorsqu'on y apparaît. A ce sujet, j'aime me reporter à ce que disait Hésiode: la mauvaise concurrence, c'est vouloir la même chose que l'autre. La bonne concurrence, c'est vouloir faire mieux que l'autre.

Un mot pour les étudiants de Genève?
Nous avons tous conscience qu'avec les profonds changements actuels entraînés par le processus de Bologne, le moment est difficile et que les étudiants passent un moment pénible en essuyant les plâtres. Mais les questions de papiers doivent rester secondaires. Il ne faut surtout pas oublier l'essentiel: ce qui compte, c'est ce qu'ils vont faire de l'autonomie intellectuelle acquise à l'Université.

...et ceux qui n'ont pas choisi Genève?
Vous avez sûrement fait un bon choix, pour de bonnes raisons (rires)! Nos universités sont les domiciles de l'université mondiale, et par conséquent vous pourriez avoir à passer à Genève un jour! Nous travaillons déjà à vous rendre le séjour des plus agréables.