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Travail au noir

Rencontre avec Serge Gaillard, Chef de la direction du travail du SECO

Le SECO est le centre de compétence de la Confédération pour toutes les questions de politique économique. Il est l'interface entre les entreprises, les partenaires sociaux et la politique. Il soutient un développement régional et structurel équilibré de l'économie et assure la protection des travailleurs. Par sa politique du marché du travail, il apporte une contribution importante à la lutte contre le chômage et au maintien de la paix sociale.

Le SECO oeuvre à l'ouverture de tous les marchés aux biens, aux services et aux investissements suisses. En politique extérieure, il collabore activement à la mise en place de règles efficaces, équitables et transparentes pour le bon fonctionnement de l'économie mondiale. (source admin.ch)

Beaucoup d'étudiants (universités et hautes écoles) travaillent au noir sans en être conscients. Vous est-il possible de définir brièvement, pour eux, ce qu'est le travail au noir? (Quels sont leurs droits et leurs devoirs en matière d'emploi?)
Le travail au noir est un terme générique qui recouvre différentes formes de non-déclaration d'une activité lucrative ou de non-obtention de permis de travail en dépit d'une obligation de le faire. Dans l'acception courante, il s'agit des obligations d'annonce et d'autorisation en vertu du droit des assurances sociales, du droit des étrangers et du droit fiscal. Dans cette acception, il y a travail au noir lorsque contrairement aux obligations légales se rapportant aux salaires, les cotisations sociales ne sont pas versées ou quand le revenu de l'activité lucrative n'est pas déclaré au fisc. On trouvera des détails sur ces obligations sur le site internet www.pas-de-travail-au-noir.ch.

La loi fédérale sur le travail au noir (LTN), entrée en vigueur en 2008, ne définit pas la notion de travail au noir. Elle introduit toutefois des organes de contrôle cantonaux de lutte contre le travail au noir et fixe ce qu'ils doivent vérifier, à savoir le respect des obligations d'annonce et d'autorisation en vertu du droit des assurances sociales, du droit des étrangers et du droit de l'impôt à la source. Le mandat des organes de contrôle est donc plus étroit que la notion générale de travail au noir. On notera toutefois que les autorités spécialisées contrôlent aussi le respect des obligations évoquées dans les différents domaines du droit. Ainsi le fisc contrôle-t-il le respect du droit fiscal en général (impôt à la source et autres formes d'impôt).

On peut imaginer que beaucoup des petits boulots exécutés par les étudiants se font au noir. Est-il légitime de penser que le SECO se préoccupe plutôt des travailleurs étrangers alors qu'il existe un laisserfaire tacite concernant les étudiants?
La LTN s'adresse aussi bien aux Suisses qu'aux étrangers. Bien sûr, les obligations relevant du droit des étrangers et régulièrement celle qui porte sur l'impôt à la source ne s'appliquent de par leur nature qu'à l'emploi des étrangers. Les contrôleurs ont le mandat de réaliser des contrôles dans les entreprises et sur les lieux de travail. Dans ce cadre, ils contrôlent également des étudiants. Le travail au noir des étudiants n'est donc pas toléré sans que cela ne soit dit.

Quels sont les dangers (vus de manière large) et les sanctions auxquels s'exposent les étudiants travaillant au noir? (Doivent-ils craindre de dénoncer un employeur malveillant?
Chacun des domaines du droit évoqués précédemment prévoit des peines spécifiques en cas de non-respect des obligations qu'il fixe. En outre, les cotisations et les impôts sont réclamés a posteriori. Le droit des assurances sociales prévoit, et c'est nouveau, le prélèvement de suppléments aux cotisations. Par ailleurs, en cas d'infractions graves ou répétées, l'employeur peut se voir exclure des marchés publics pour une période limitée ou les aides financières qui lui sont octroyées peuvent être réduites.

On peut transmettre anonymement des indications selon lesquelles un employeur emploie quelqu'un au noir et cela n'a alors aucune conséquence pour l'employé, à moins que luimême ne contrevienne aussi aux obligations légales, comme s'il ne dispose pas de permis de travail (obligation relevant du droit des étrangers).

Pouvez-vous comprendre que les étudiants ne trouvent pas un intérêt immédiat à régulariser leur situation en matière d'emploi? (Quelles bonnes raisons de payer ses assurances sociales pouvez-vous donner à un étudiant qui finance ses études en donnant des cours privés?)
Les assurances sociales offrent une protection contre des risques que peut présenter l'existence économique d'une personne (p.ex. chômage, âge, invalidité, maternité, accident). Les personnes qui ne disposent que de faibles moyens financiers, comme cela est souvent le cas des étudiants, devraient par conséquent veiller tout particulièrement à s'assurer contre ce type de risques. Si les cotisations sociales ne sont pas versées, cela peut avoir des répercussions
négatives sur les droits aux prestations sociales.

L'entrée en vigueur de la LTN ainsi que la prévention et l'accroissement des moyens l'accompagnant ont permis une prise de conscience de la population à propos de la problématique du travail au noir et une amélioration de la situation. Selon vous, que manque-t-il encore pour endiguer totalement ce fléau?
L'entrée en vigueur de la LTN a entraîné l'introduction de mesures visant à lutter contre le travail au noir par-delà les frontières entre les différents domaines du droit concernés. L'efficacité des mesures de lutte contre le travail au noir est actuellement en cours d'évaluation. Le Département fédéral de l'économie remettra au Conseil fédéral un rapport sur ces travaux d'ici fin 2012 et proposera des mesures pour l'avenir. De manière générale, nous pouvons néanmoins dire que le travail au noir dépend de nombreux facteurs, comme le niveau des impôts et des cotisations sociales, de l'efficacité de l'utilisation des moyens publics, des prestations des assurances sociales, du contrôle et de la sanction, sans oublier la cohésion sociale. Le SECO s'efforce d'influer sur ces facteurs, en collaboration avec les autorités spécialisées. Il n'en reste pas moins que ce sont les citoyens, et les étudiants parmi eux, qui assument la responsabilité première de l'adoption d'un comportement correct...