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L'évaluation des enseignements

Un retour de bâton pas tant méchant

Qu'il est loin l'âge d'or antique où les professeurs et autres pédagogues étaient encore des esclaves au service de leurs élèves, ces derniers les rétribuant selon leur bon vouloir et leur satisfaction. Aujourd'hui, le rapport de force s'est inversé, laissant aux enseignants le droit de vie ou de mort académique sur leurs étudiants. Comme chaque élève, tu t'es sûrement déjà offusqué de cette unilatéralité tout en appréciant autour d'un café, les performances diverses de tes éducateurs, aspirant même parfois au déclin de certains. Tu ne l'auras pas manqué, il t'est à présent donné l'occasion de communiquer sur ton expérience d'apprentissage lors des rituelles évaluations des enseignements. Recueil de frustration pour certains ou formidable outil pédagogique pour d'autres, les avis divergent.

Les profs de retour à l'école

C'est sous l'impulsion, il y a dix ans, d'enseignants qui recherchaient à se développer au niveau professionnel que le projet d'évaluation des enseignements a vu le jour. Si les étudiants ont tout d'abord été surpris de pouvoir émettre une opinion, les efforts de démystification de la démarche ont porté leurs fruits. Selon Denis Berthiaume, responsable du Centre de soutien à l'enseignement (CSE) à l'Université de Lausanne (UNIL), le taux de réponses aux questionnaires papier s'élève aujourd'hui à 65% dont 75% d'évaluations positives.

À l'inverse des évaluations nord-américaines où la pratique est bien ancrée, la pêche à l'avis des étudiants romands n'a pas pour objectif de juger des compétences du professeur mais cherche plutôt à détecter et à accompagner les enseignants qui rencontreraient des difficultés. «Le but est de tirer le tout vers le haut, soit de consolider ce qui va bien et de réduire ce qui irait moins bien», explique Denis Berthiaume. De plus, «nous estimons qu'un étudiant n'est pas en mesure de juger adéquatement de la prestation enseignante du professeur s'il ne sait pas enseigner lui-même». La visée strictement pédagogique de l'évaluation permet en outre d'éviter une dérive clientéliste qui verrait des professeurs - dont la carrière dépendrait du jugement de leurs étudiants - tomber dans un donnant-donnant malsain lors des examens.

Le détecteur de fumée

L'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) applique pour sa part le système dit du «détecteur de fumée». Alors que les questionnaires distribués dans les universités romandes comportent une multitude de questions fermées et ouvertes, l'EPFL procède à une évaluation qui repose sur une note attribuée par les étudiants à leurs professeurs. Cette méthode recherche alors moins à analyser les attentes des élèves qu'à détecter les vilains petits canards du corps enseignant qui profiteront par la suite d'un soutien pédagogique.

«Il est rare, constate Denis Berthiaume, qu'un rapport d'auto-évaluation ne fasse pas état de résultats positifs ou s'améliorant». Les enseignants qui ne cherchent pas à s'améliorer ne dépassent pas le 5% et quittent généralement d'eux-mêmes l'établissement. Le défi est plutôt «d'adapter l'enseignement aux caractéristiques du public actuel, observe le responsable du CSE. L'université est passée du modèle d'élite à celui d'université de masse, un fossé peut alors se creuser entre les attentes des étudiants et celles de l'enseignant.»

L'avis des étudiants

Interrogés sur la question, les étudiants sont partagés sur les apports de telles procédures. Pour Basile, 22 ans et étudiant de dernière année de Bachelor en Droit, ces évaluations permettent uniquement de régler des problèmes d'ordre logistique relatifs aux supports de cours: «en ce qui concerne l'attitude des professeurs, rien ne change malgré le fait que les mêmes critiques reviennent d'année en année». Ce constat pessimiste est relativisé par Amina, étudiante de 24 ans en deuxième année de Science Politique. «En début de semestre, certains professeurs nous présentent les mesures qu'ils ont prises à la suite des remarques passées, il y a donc une prise en compte de nos avis. Pour ma part, je préfère toujours aller trouver l'enseignant afin de lui parler directement des dysfonctionnements présents dans son cours. Comme cela, au moins, je suis assurée de profiter immédiatement des améliorations possibles.»