Le quotidien d’ une sage-femme

Paroles d'étudiante sage-femme en salle d'accouchement

On ne naît pas sage-femme, on le devient... mais comment ?
En Suisse romande il existe deux formations, toutes deux à Genève, l'une en quatre ans après la maturité et l'autre en deux ans après un diplôme infirmier. Il s'agit de formations mixtes...eh oui, 1 garçon dans la volée 2008-2010, et 2 qui ont terminé en 2008! Ceux-ci tiennent généralement à se faire appeler «homme sage-femme».

Nous visons, toutes et tous, le même diplôme: un Bachelor Sage-femme d'une valeur de 120 ects, en alternant des temps de pratique et de cours.

A Lausanne, la HECV santé présente la profession de sage-femme ainsi: «La sage-femme accompagne et surveille de façon autonome et globale les femmes et les nouveaux-nés en bonne santé, dès la conception, avant, pendant et après la naissance, en intégrant la famille. Elle pratique des accouchements physiologiques sous sa propre responsabilité».

Naître accueilli par les mains d'une sage-femme apprentie?
La découverte de la salle d'accouchement en maternité se fait pour les étudiants dès le premier semestre de formation, dans un florilège d'émotions. Au tout début du stage, nous accompagnons les femmes qui accouchent, à quatre mains, autrement dit il s'agit d'associer nos mains à celles de notre référente pour mieux sentir les gestes à l'égard du périnée de la femme et de la tête de l'enfant. Quand la confiance commence à s'installer entre l'étudiant et sa sage-femme référente, nous procédons seuls auprès d'une référente qui se tient seulement prête à intervenir.

Les étudiants doivent, entre autres, comptabiliser quarante accouchements pour obtenir leur diplôme.

Au début, nous sommes très concentrés sur l'arrivée du bébé, les mains moites dans nos gants... J'avoue parfois en avoir un peu oublié la femme, et puis, au fur et à mesure j'ai pu davantage m'adresser à la mère et comprendre que nous sommes partenaires dans l'accueil de l'enfant, que nous avançons ensemble, que nous nous guidons mutuellement.

Au tout premier «dégagement «d'un enfant, j'ai senti mon corps traversé d'un immense frisson, en contact avec cette nouvelle vie, mes mains le tenant sous ses bras frêles et vigoureux à la fois.

Après cette première année au cours de laquelle j'ai pu accompagner un certain nombre de femmes, je me familiarise avec un univers professionnel riche de découvertes et de surprises.

Pas un seul accouchement ne ressemble à un autre, les sages-femmes expérimentées nous le disent et je peux le confirmer.

Qu'une femme choisisse d'accoucher avec ou sans analgésie péridurale, en maison de naissance ou à la maternité, avec son mari ou sa sœur, elle sollicite les capacités d'adaptation, d'observation et d'écoute des sages-femmes qui l'accompagnent.

En tant qu'étudiante, j'ai le sentiment d'effectuer un exercice d'équilibriste au moment de la naissance, car il y a effectivement un mélange subtil à trouver entre l'agir et le laisser-faire, détermination et souplesse, technicité et tradition, interdisciplinarité et autonomie, etc.

En maternité, les sages-femmes rencontrent souvent la future mère au moment où elle ressent les premières contractions et vient pour accoucher ; il nous faudra donc, étudiants comme professionnels, faire connaissance en peu de temps avec cette mère et tenter de saisir l'essentiel à ses yeux.

Aura-t-elle besoin que je la masse? Que je lui parle en chuchotant ou serat-elle rassurée d'écouter son cd préféré qu'elle a apporté avec elle ? Acceptera-telle d'attendre tant d'heures l'enfant qui va à son propre rythme ? Autant de questions qui vont me traverser l'esprit.

Et c'est par l'attention que je vais donner à nos échanges, en évitant les non dits et en favorisant l'expression des réticences et des résistances, que je pourrai instaurer une relation de confiance ! Il est arrivé qu'une femme, très stressée, refuse qu'une étudiante la prenne en charge et c'est en lui reconnaissant ce droit que, finalement, elle a décidé de me faire confiance, comprenant aussi que j'étais supervisée par une sage-femme.

Nous apprenons également les premiers gestes de réanimation du nouveau-né, car nous sommes en première position en cas d'urgence néonatale et travaillons en collaboration étroite avec les pédiatres et obstétriciens là où nos compétences atteignent leurs limites.

Ainsi, j'apprends auprès de mes référentes à détecter les indicateurs de risques, en observant le corps des femmes et en écoutant le fœtus. Appartenant à cet apprentissage, la lecture des enregistrements du rythme cardiaque fœtal et des contractions n'est pas un exercice aisé au départ. L'oeil apprivoise une écriture graphique qui jusque-là lui était étrangère et l'oreille doit affiner son écoute afin de percevoir les battements du coeur, dont le rythme effréné est bon signe ( un ralentissement signale une souffrance foetale).

Je comprends ainsi la nécessité de mettre mes sens en éveil : l'odorat est précieux en cas d'infection du liquide amniotique, par exemple.

En tant qu'étudiants, nous ne sommes jamais seuls au moment de la naissance, et même diplômés, il est rare que nous ne soyons pas accompagnés d'une consœur, car en cas d'urgence comme celui d'une hémorragie massive, il est précieux d'être au moins deux.

Jeter un œil sur la pendule au moment où l'enfant sort appartient également aux gestes de la sage-femme... sinon, qui pourrait dire l'heure de la naissance ?

J'avoue me reposer encore sur mes collègues quant au souci de la montre, toute concentrée que je suis sur cet enfant quand il vient au monde !

Être sage-femme en salle d'accouchement représente pour moi la recherche du calme dans la tempête, car c'est ainsi que je conçois mon rôle dans cet accompagnement particulier, celui d'une veilleuse vigilante mettant tous ses sens en alerte tout en étant capable d'inspirer la tranquillité... un rôle auquel j'aspire en tout cas.