Bourse alternative

19% des étudiants qui interrompent leurs études prématurément donnent comme cause première des difficultés financières: c'est avec ces mots que se présente le projet Bono Pro.

Tu as déposé une demande de bourse auprès de ton canton et de ton uni, mais ces derniers t'ont répondu qu'ils ne pouvaient pas accéder à ta requête? L'association bono pro propose un soutien financier à des étudiants «méritants» qui n'ont pas - ou partiellement - accès aux systèmes de bourses institutionnelles. Le concept de bono pro est basé sur un système de bourse-relais qui se transmettent entre générations d'étudiants. Association apolitique, areligieuse et à but non lucratif, bono pro a été créée et est administrée par un réseau d'anciens étudiants qui souhaitent par leur démarche combler certaines failles du système des bourses traditionnelles...

Entretien avec les deux co-fondateurs de l'association bono pro, Marc Laperrouza et Ralph Hefti, après un workshop sur le financement des études, au salon des étudiants 2008 à Lausanne.

Quel est le rôle de l'association bono pro? Quelles sont les personnes concernées?
Marc: nous arrivons en bout de chaîne, quand le soutien des parents, du canton et de l'uni n'est pas disponible ou ne suffit plus. Notre démarche vient en complément des canaux traditionnels de financement – les systèmes de bourses des offices cantonaux et des services sociaux des universités. En aucun cas, nous ne nous substituons à ces derniers. Nous n'avons ni les moyens, ni la volonté de le faire. Ainsi, lorsqu'un étudiant nous contacte, nous voulons nous assurer qu'il connaît et a « épuisé » les sources institutionnelles.
Ralph: Par rapport aux personnes qui nous contactent, il n'y a pas de profil type. bono pro soutient des étudiants universitaires (bachelor et master), toutes facultés confondues. Il y a certes quelques critères formels à remplir, mais dans l'ensemble c'est relativement souple. En revanche, il y a des valeurs auxquelles nous sommes extrêmement sensibles. Celles-ci sont d'ailleurs détaillées dans la charte qui est disponible sur notre site. Pour résumer, nous souhaitons soutenir des étudiants chez qui nous sentons une réelle détermination à poursuivre leurs études en dépit de difficultés – parfois significatives - qu'ils rencontrent. Lorsque nous parlons d'étudiants méritants, c'est à ceci que nous faisons référence : un mérite humain et non une excellence académique. Nous voulons aussi nous assurer que les étudiants qui bénéficient aujourd'hui d'un coup de pouce de bono pro, pourront être demain ou après-demain ceux qui rendront la pareille à une nouvelle génération d'étudiants «méritants»...

Cela implique d'avoir déjà un certain parcours de vie. Quelqu'un qui sortirait du gymnase serait-il moins concerné?
Marc: cela le concerne moins. Nous avons deux types de critères pour choisir quelqu'un, critères objectifs et critères plus subjectifs. C'est là que le « méritant » entre en ligne de compte. Dans les critères objectifs, il y a effectivement que la personne ait terminé sa première année d'études avec succès. Nous avons été étudiants, nous savons ce que c'est… Il y a des gens qui arrêtent après une année, parce qu'ils se rendent comptent qu'ils ne voulaient pas faire HEC mais architecture… La pérennité de notre système repose sur le fait que quelqu'un qui bénéficie aujourd'hui de bono pro va rendre la pareille plus tard. Nous avons un système qui, dans la pratique, s'apparente à un prêt, parce que nous donnons de l'argent qui va être retourné. Simplement, il n'est pas retourné à l'association, mais à un étudiant futur. Ce qui est très important en revanche, c'est qu'il n'y a aucune obligations légale derrière. Le système repose sur un engagement moral du bénéficiaire, c'est un contrat de confiance.

Avez-vous eu l'occasion de prêter de l'argent à des personnes qui l'ont déjà rendu?
Marc: Oui, mais c'était avant que nous ne formalisions la démarche sous le nom de bono pro… Il y a environ 10 ans, j'ai moi-même reçu une bourse que j'ai choisi de transmettre une fois mes études terminées. Cette bourse a ensuite changé à plusieurs reprises de mains (ou de portemonnaie c'est selon) et c'est ainsi qu'est née bono pro. Nous soutenons depuis plus d'un an une jeune femme à l'Université de Lausanne. Financièrement, mais également pratiquement sous la forme de coaching. Le plus grand changement que j'ai vu chez elle, c'est la prise de confiance. Quand toute ta vie tu as eu des problèmes financiers, des barrières, et que quelqu'un vient vers toi et te dit «on croit en toi», pour le moral, c'est assez impressionnant.
Ralph: Notre approche peut paraître parfois un peu naïve et idéaliste pour certains. Dans la pratique, nous observons qu'il se crée un lien fort entre le bénéficiaire et celui qui dans l'association lui sert de contact. Le bénéficiaire se rend compte que d'autres personnes ont cru en elle. C'est quelque chose de très fort. Par la suite – parfois des années plus tard – cette personne sera dans une position où elle pourra rendre la pareille. Pas uniquement financièrement. Mais également et surtout, en faisant profiter d'autres générations d'étudiants de son parcours et de ses expériences. Cet aspect est primordial pour nous. Lorsque nous rencontrons des bénéficiaires potentiels, nous sommes d'ailleurs très clairs sur ce que nous attendons de cette personne dans le long terme.

Comment êtes-vous entré en contact avec cette personne à l'Université de Lausanne?
Marc: Par quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un… C'est une des difficultés: trouver les gens qui voient passer les dossiers. L'idée, c'est d'avoir 6-8 personnes par année. Il y a un pool beaucoup plus nombreux de gens qui en ont besoin, mais nous ne pouvons pas traiter 3000 dossiers !

Comment décidez-vous de combien bénéficie un étudiant?
Marc: Dans la partie «out», nous avons fixé une somme annuelle maximale de 5000.- Si la personne a déjà une bourse qui ne suffit pas ou qu'elle travaille, nous complétons. La personne que nous soutenons maintenant aurait pu demander 5'000.-, mais elle a demandé 2500.-. La dernière chose que nous voulons faire, c'est endetter l'étudiant. Nous avons le cas d'un étudiant qui souhaite faire un master à l'étranger sur une année, pour qui nous allons probablement mettre 10'000.- pour l'année. Nous sommes donc assez flexibles. Nous faisons confiance aux gens. Nous ne faisons pas de micro management!

Comment avez-vous l'impression que vous pouvez faire confiance à quelqu'un?
Ralph: Nous avons mis en place au sein de l'association un certain nombre de règles. Mais à la fin de la journée, ce qui compte, c'est qu'un rapport de confiance se crée entre l'étudiant et nous. Nous allons écouter l'histoire de cette personne, essayer de comprendre son parcours de vie. Et après un moment, au fil de la discussion, tu la regardes dans les yeux. Et généralement tu sais.

L'étudiant qui est en haute école spécialisée rentre-t-il dans vos critères?
Ralph: Nous avons eu un débat interne sur la question… Dans un premier temps, comme nous n'avons pas des moyens illimités, et parce que le système est parti de là, nous nous concentrons sur les étudiants des unis et EPF. Mais il est prévu que nous rediscutions de la question dans quelques mois.

Quels sont les problèmes qui empêchent d'avoir une bourse du canton ou de l'uni?
Marc: Il y a plusieurs facteurs qui excluent des bourses. Par exemple, la limite d'âge, suivant les cantons. Deuxièmement, si tu veux faire un master à l'étranger, ça ne marche pas. Si tu es brouillé avec tes parents, ce que tu dois faire techniquement, c'est les poursuivre ! Pratiquement, c'est juste ridicule. Autrement, tu peux aussi recevoir une bourse qui n'est pas suffisante. Par exemple, la personne qu'on soutient a droit à une bourse de seulement 1200.- du canton du Valais, parce que sa mère est propriétaire d'un terrain. Si quelqu'un veut faire un master dans une uni d'un autre canton alors que la faculté est dans le canton d'origine, cela ne marche pas… L'office des bourses a les mains liées administrativement.