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La palme du désastre ?

L'huile extraite des palmiers ne fait de loin pas l'unanimité.


Quoi de plus agréable que de déguster un croissant au beurre le matin ou de croquer des biscuits croustillants lors de ta pause? Pourtant, sais-tu vraiment ce que tu manges? Derrière le délice de ces mignardises, se cache souvent l’huile de palme montrée du doigt pour ses effets néfastes sur la santé et l’environnement. Alors, qu’en est-il réellement? L’huile de palme est-elle aussi dangereuse que le prétendent écologistes et nutritionnistes? Enquête auprès d’industriels et éléments de réponse.

Certifié RSPO

Du côté des entreprises suisses, on tente de relativiser les effets nocifs de cette huile sur la santé tout en se disant préoccupés par la question. C’est le cas d’Ovomaltine et de HUG, marques helvétiques par excellence. «La maison Wander a toujours été consciente de l’importance d’offrir des produits sains et de haute qualité. Par conséquent, nous essayons, dans la mesure du possible, d’éviter d’utiliser l’huile de palme dans tous nos produits», affirme Ivan Lehmann, responsable chez Ovomaltine. «Cependant, il n’est pas toujours possible, pour des raisons techniques, de la remplacer. Elle a des propriétés que d’autres huiles n’ont pas, comme par exemple la stabilité», précise ce dernier. Même son de cloche du côté de l’entreprise HUG, spécialisée dans la fabrication de biscuits. Certains produits en contiennent pour des raisons…. pratiques. «Durant la production de remplissage, nous avons fait plusieurs tests avec du beurre ou d’autres alternatives mais cela n’a pas fonctionné. Le beurre n’est pas assez constant et la durabilité est trop courte. Nous ne sommes pas arrivés au résultat désiré et pour cette raison nous avons décidé d’utiliser l’huile de palme pour le remplissage», explique Irene Bühlmann, secrétaire de direction.

Toutefois, Ovomaltine affirme prendre au sérieux cette problématique et son impact sur l’environnement. «Pour cette raison, nous évitons dans la mesure du possible tout ingrédient qui puisse avoir un impact négatif sur la gestion durable des ressources naturelles. Ainsi, nous n’achetons l’huile qu’auprès de fournisseurs certifiés RSPO (ndlr: cette charte non obligatoire implique le respect des lois, des salaires, des populations locales ou encore de certaines forêts). Cependant, nous aimerions relever qu’il n’y a aucune indication fondée dans la littérature scientifique sur une quelconque action nocive de l’huile de palme», argumente Ivan Lehmann.
Vraiment? Si l’on en croit les propos d’Alain Rival, chercheur et spécialiste du palmier à huile au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), il n’existe en effet aucune étude scientifique à ce jour qui infirmerait cette hypothèse. «Des raccourcis sont faits dans la presse au sujet de l’huile de palme. Il faut rappeler que c’est un produit naturel et non un poison. Il n’y a pas d’huile absolument parfaite. Tout est une question de dosage. Par contre, ce qui est irritant, c’est le non étiquetage qui engendre un problème de traçabilité mais aussi d’honnêteté vis-à-vis du client. On sait très bien que l’huile de palme a conquis le marché et que derrière l’appellation «huile végétale», se cache l’huile de palme.»

Un pas en avant

Cette essence aux allures exotiques ne serait-elle pas devenue le bouc émissaire des consommateurs bien malgré elle? «Disons que l’on se méfie de ce que l’on ne connaît pas» rétorque le chercheur. Mauvais ou non, l'entreprise aux produits maltés a tout de même pris des mesures en novembre dernier. «Nous sommes en train de remplacer l'huile de palme avec de l'huile de colza dans toutes nos recettes. Cette étape sera terminée fin mars 2013», souligne Ivan Lehmann. Quant à l’Ovomaltine utilisée dans le produit Ovomaltine Poudre, elle contient une huile fractionnée. «Il s’agit de fractions d’huiles de coco ou de palme dont l’utilisation a pour but d’améliorer la solubilité du produit. La quantité d’huile végétale ajoutée est inférieure à 0.3% ce qui est très faible», argue Monsieur Lehmann.
Du côté de la Fédération romande des consommateurs (FRC), on est déterminés à se battre. «On souhaite que le terme huile de palme soit déclaré sur les étiquettes», revendique Aline Clerc, Responsable Agriculture, Environnement et Energie. «De plus, le consommateur doit avoir le choix d’acheter le produit qu’il veut et qui n’en contient pas. Or, ce n’est pas le cas. Il y a un manque d’alternatives dans les rayons», explique cette dernière. «En soi, elle n’est pas mauvaise au point qu’il faille la supprimer mais il convient d’en limiter sa consommation. L’huile de palme contient cinq fois plus d’acides gras saturés que le colza», conclut la responsable de la FRC.
En attendant une éventuelle prise de conscience planétaire, cette problématique risque de faire couler beaucoup… d’huile!


Pour la petite histoire

Il y a quelques années, les professionnels de la santé pointaient du doigt les huiles ou graisses végétales hydrogénées, arguant que celles-ci étaient bien pires que les graisses animales saturées. En 2007, l'Office fédéral de la santé publique obtenait même des industries qu’elles limitent à 2% au maximum la teneur lipidique de leurs produits. Seulement, la restriction des graisses trans a permis à l’huile de palme de s’engouffrer dans la brèche. Très bon marché, son utilisation quasi systématique dans les produits alimentaires et cosmétiques risque à long terme de nuire à la planète et à ses terriens.