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Mali

Ce n'est pas les vacances, ni un jour férié et pourtant, toutes les facultés de l'université de Bamako ont gardé leurs portes closes ce premier lundi de février. Les enseignants sont en grève, ils réclament une amélioration salariale qui puisse leur permettre de couvrir leurs frais de logement, le paiement des heures supplémentaires (dans le cas où le professeur est obligé d'enseigner pendant les vacances pour rattraper un éventuel retard sur son programme) et l'annulation des résultats de l'examen de septembre 2006 pour les étudiants de la Faculté des Sciences Économiques.

Les revendications salariales, on connaît, mais que s'est-il passé avec l'examen? Comme il se déroulait hors de l'année académique, les enseignants n'ont pas voulu l'organiser, compte tenu du fait qu'ils savaient que l'Etat ne leur payerait pas ces heures supplémentaires. Par conséquent, ce sont les étudiants qui se sont chargés eux-mêmes de l'organisation, de la surveillance et de la correction de l'examen sans avoir préalablement consulté les professeurs. Si l'anecdote peut faire sourire, elle témoigne cependant de la situation préoccupante que vivent les universitaires bamakois qui ignorent pour l'instant quand ils pourront réintégrer leur classe.

Vers une année blanche?
Au Mali, les années blanches ne signifient pas qu'il a neigé pendant 365 jours. Une année blanche est décrétée lorsque les universités restent fermées pendant au moins 12 mois consécutifs, comme ça a été le cas pendant 5 ans sous la dictature de Moussa Traoré. Pour qu'une année académique soit validée, il faut au minimum 25 semaines de cours (soit la moitié de l'année); or la grève dure depuis 3 mois déjà tandis que les négociations se poursuivent. Dans le cas où la grève se poursuivrait, les étudiants risquent donc de ne pas pouvoir valider leur année.

Idrissa Sanogo, 27 ans, s'apprête à terminer ses études à l'Ecole Normale Supérieure en vue de devenir lui-même enseignant. Le stage qu'il réalise actuellement doit lui servir de cadre pour la rédaction de son mémoire professionnel qu'il est supposé soutenir en juin, à condition bien sûr que la grève ait cessé d'ici-là. Foulematou Sy Savane, 22 ans, étudiante en géologie à la Faculté des Sciences et Techniques, souhaite quant à elle pouvoir poursuivre ses études à l'étranger mais cette possibilité ne lui sera offerte qu'à condition qu'elle termine son année avec mention. Avec seulement un mois de cours suivis depuis la rentrée universitaire, elle a de quoi s'inquiéter.

Qu'en pensent-ils?
D'après mes interlocuteurs, les grèves d'enseignants n'ont rien d'exceptionnel à l'Université de Bamako, sauf que celle-ci dure plus que d'habitude. Une situation à laquelle il faut se résoudre malgré tout, selon Idrissa: «La grève est légitime, mais ça va mettre les étudiants en retard. Ce sont des revendications qui durent depuis longtemps et chaque année, on demande aux professeurs de réintégrer les classes sur la base de négociations, mais rien n'est fait. Cette fois, les enseignants ont décidé de mener la lutte. En tant que futur enseignant, j'espère au moins que cela pourra m'être bénéfique! » Foulematou résume la situation en quelques mots: «Ça va peut-être arranger les professeurs, mais nous, ça ne nous arrange pas!»

Espérons pour eux que cette grève ne leur portera pas davantage préjudice.

Etat des lieux en date du 22 avril 2007
Dans le courant du mois de février, les enseignants ont réintégré leurs classes et l'examen organisé par les étudiants n'a finalement pas été annulé. Mais malgré la reprise des cours, Idrissa reste prudent: «Je suis persuadé que nous allons rester en classe jusqu'à la fin de l'année académique, mais ma seule inquiétude est que les profs prennent nos résultats d'examen en otage s'il n'y a toujours pas de satisfaction à leurs doléances ».