Handicap et étude

reportage auprès de ceux qui étudient en vivant avec un handicap

En se promenant dans les couloirs de l'uni, difficile de soupçonner le parcours du combattant que représentent ces lieux pour certains étudiants. Imaginez par exemple monter un escalier en chaise roulante...

Bien que cet exemple vienne assez facilement à l'esprit des gens, il existe une palette presque infinie de handicaps, chacun apportant son lot de problèmes plus ou moins simples à régler, et toujours spécifiques à un étudiant. On compte près de 12% d'étudiants souffrant d'un handicap ou d'une maladie chronique à l'université. Les demandes peuvent varier du tout au tout: un étudiant souffrant de surdité n'aura pas de problème d'accessibilité, mais aura besoin d'un interprète en permanence, qui devra s'adapter à la terminologie de la branche étudiée pour être efficace. Tandis que celui qui se déplace en chaise pourra peut-être suivre les cours sans peine, mais peinera à y accéder par les voies normales, et encore, ses problèmes peuvent changer selon qu'il soit sur une chaise manuelle ou électrique.

D'autres encore, souffrant de maladie chronique, pourront suivre les cours normalement et accéder à toutes les salles, mais leurs difficultés seront liées directement à leur aptitude à apprendre. Ainsi ils leur apparaît parfois difficile de faire reconnaître leur handicap, car il ne se voit pas. Il apparaît donc bien que chacun a ses propres problèmes.


Combat quotidien

Beaucoup de ces étudiants pourtant ne demandent pas outre mesure d'être aidés, comme par exemple Prince, étudiant à l'UNIFR, ou Stéphane, étudiant à l'UNIL, qui n'ont jamais fait appel à un quelconque service social, car comme le dit Stéphane: «On apprend à bricoler», et donc bien souvent, plutôt que de s'en remettre à un autre, ces étudiants trouvent une solution qui leur permettra d'atteindre leur but, même s'ils doivent emprunter des voies détournées.

On constate à ce propos que seule la moitié des étudiants handicapés a recours à des prestations de l'assurance invalidité, recours qui pour certaines personnes équivaut à rendre les armes devant les difficultés. Comme les demandes d'aide sont relativement marginales à l'AI, il y a peu de personnes compétentes pour aiguiller les étudiants dans le système universitaire, qui souvent préfère proposer des formations de courte durée, car elles sont moins onéreuses. Prince et Stéphane, tous deux en chaise roulante, connaissent des problèmes semblables, et leur seule et unique requête est d'avoir une table accessible au fond de l'auditoire, les bancs traditionnels leur restant inaccessibles. Certes les petits désagréments sont courants et tous les jours ils doivent faire face à des problèmes d'accessibilité tels qu'une boîte aux lettre ou le lecteur de carte d'une imprimante un peu trop haut, ou encore un ascenseur parfois à peine assez large. En cas de réelle nécessité, la plupart des étudiants handicapés gardent sur eux le numéro du concierge qui, sans se faire prier, vient à la rescousse.

De plus, le dialogue est toujours possible avec le corps professoral: si certaines fois c'est le professeur lui-même qui viendra offrir son aide à l'étudiant handicapé, aucun ne se refusera à prendre en compte ses besoins et la plupart du temps fera son possible pour adapter ses exigences à l'état de ses possibilités.

Parfois cependant la situation peutêtre un peu plus complexe, certains handicaps n'étant que difficilement perceptibles. Ainsi, il se peut qu'un professeur peine à comprendre les réalités d'un physique diminué ou d'une maladie psychique et il apparaît parfois que l'étudiant doit prouver son handicap. Heureusement, l'aide efficace des services sociaux des unis évite ce genre de situation.

Toutefois, il arrive qu'un seul professeur puisse être la source de discrimination d'un étudiant à besoins spécifiques: il suffit qu'il refuse une de ses requêtes, de lui offrir des délais plus longs ou de modifier les modalités pour un examen, par exemple. Et de difficile, la tâche se transforme en insurmontable, privant l'étudiant de toute chance de réussite.

Une personne inexpérimentée dans le domaine du handicap, peu aux faits des difficultés traversées quotidiennement, peut prendre une décision, des plus arbitraires, qui privera un étudiant de tout chance de réussite, créant ainsi une réelle discrimination. Qu'une telle décision puisse découler du choix d'un seul professeur, incompétent à prendre de tels verdicts, paraît irréaliste, pourtant c'est une réalité à laquelle sont confrontés chaque année bien des étudiants.

Cependant, quand bien même la peur d'une incompréhension puisse pousser à la timidité, comme le dit Philippe, étudiant handicapé à l'UNIL: «La règle d'or, ne pas hésiter à demander». Effectivement, pour qu'un problème soit pris en compte, il doit être soulevé et personne ne peut comprendre une infirmité qui lui reste cachée, ainsi la communication est le premier pas vers une réduction des problèmes. Ainsi modifier la modalité d'un examen peu adapté à la situation d'un étudiant est toujours possible, allonger les délais, ajuster un oral, tout cela est réalisable, à condition de le demander./p>

On doute bien souvent de la capacité des étudiants handicapés à réussir des hautes études, et souvent ils sont appelés à justifier la raison de leur choix, alors qu'un étudiant en pleine santé n'aura jamais à légitimer ses études, tant qu'il ne subit pas d'échec. L'incrédulité reste bien souvent le sentiment dominant, et cela peut créer une véritable pression sur l'étudiant qui devra sans cesse prouver sa valeur. Pour les valeureux qui bravent sans cesse ces dures réalités, il existe de multiples possibilités de soutien qui se font toujours plus nombreuses d'année en année et dont la qualité des services ne cesse de s'améliorer, grâce à l'expérience accumulée.

Vers une meilleure intégration
De plus en plus, les universités prennent en considération les réalités d'une population peut-être moins considérée par le passé; ainsi les nouveaux bâtiments construits sont toujours conçus dans un souci d'accessibilité et recueillent les suffrages très positifs des étudiants concernés. Les anciennes bâtisses dénotent d'une moins grande accessibilité et parfois s'opposent durement aux déplacements de ceux qui utilisent des chaises roulantes, ainsi que le souligne Prince: «Je suis bien content d'être dans les nouveaux bâtiments, les anciens sont très peu adaptés pour ma chaise».

Cependant, dès que la possibilité s'offre, les universités rénovent en améliorant l'accessibilité, parfois suite à un âpre combat, comme la Banane qui, il y a quelques années encore, était inaccessible. C'était sans compter sur les efforts de Philippe. Mais il ne faut pas se méprendre: «Le problème était évidemment comme toujours une question d'argent, et non de mauvaise volonté».

Reste le problème d'une mise en place parfois hasardeuse de ces aménagements; ainsi une rampe pourra être juste aux normes et cependant inacceptable pour un étudiant qui doit l'emprunter plusieurs fois par jour, si par exemple il souffre de déchirure musculaire à l'effort et que la rampe est trop inclinée.

En marge de ces améliorations dans les structures, on voit apparaître une nette embellie, dans la réalité sociale qui entoure ces étudiants; on peut prendre l'exemple de l'université de Genève qui, depuis le mois de juin, met à disposition un site internet géré par l'antenne santé* où l'on retrouve toutes les informations utiles tels que l'accès au bâtiments ou les aides sociales, mais surtout une possibilité de contact capable d'aider les étudiants qui le désirent, ou au moins de les rediriger vers la personne compétente. Ainsi non seulement on peut répondre aux attentes des étudiants en cours d'études, mais aussi permettre à de futurs étudiants handicapés de préparer sereinement leur arrivée à l'université. Autre exemple, l'EPFL qui propose le même genre de site internet mis en place par le service social*. Depuis 2004, le poly a instauré dans son ordonnance sur le contrôle des études un article qui garantit aux étudiants handicapés la prise en compte de leurs problèmes.

Le premier interlocuteur disponible en cas de besoin reste le service social de l'uni, qui est toujours prêt à faire valoir le droit de chaque étudiant et à l'aider le plus possible, voire à le rediriger vers des organismes plus compétents si nécessaire.

De tels services permettent à ces étudiants aux besoins spécifiques de s'intégrer plus facilement et même de partir en mobilité, alors qu'il y a encore quelques années certains s'y renonçaient, rebutés par les difficultés administratives. Aujourd'hui, ils ont les mêmes chances que les autres de faire une année hors de nos frontières. Certes le choix des pays reste limité; ainsi il n'est pas réaliste de songer à l'Espagne ou à la Grèce, par exemple, alors que des destinations telle que la Suède ne posent pas de problème.

Comme le propose une étude sur les étudiants handicapés dans les universités suisses, réalisée par Judith Hollenweger, l'idéal serait la création d'un «office central suprarégional» qui s'occuperait des questions touchant les personnes handicapées fréquentant les universités et qui serait en relation étroite avec d'autres prestataires de service et les universités elles-mêmes. L'identification des besoins relatifs à la formation universitaire déchargerait les étudiants et les bureaux de conseil des questions concernant le droit d'obtenir un soutien ou des moyens auxiliaires, questions qui reviennent sans cesse sur le tapis.» On constate donc une amélioration constante, et (il est à espérer) durable, de la situation des étudiants à besoins spécifiques dans les universités qui se montrent toujours plus accessibles et plus attentives à leurs besoins.

En dehors de l'uni
Mais la vie ne s'arrête pas aux études, et bien souvent les problèmes sont encore bien nombreux une fois sorti de l'école. Il faut tout d'abord trouver un appartement adapté à ses besoins, ce qui n'est pas toujours des plus facile, mais la meilleure solution reste souvent celle des foyers pour étudiants, proches des écoles et surtout attentifs aux nécessités et offrant une structure capable de

soutenir pleinement ses locataires handicapés. Un autre problème est celui des transports: la neige, le froid, des compartiments mal adaptés, autant d'épreuves supplémentaires sur la voie du savoir. Malheureusement, tout ne peut pas s'arranger en un jour, mais gageons que la situation ne cessera de s'améliorer et que les solutions ne vont cesser d'aller en se multipliant, car il est toujours plus d'hommes et de femmes dévoués qui oeuvrent dans ce sens.

En bref, la situation est jugée plutôt positivement par la plupart des étudiants à besoins spécifiques, surtout par ceux qui ont connu des temps plus difficiles et l'on ne peut que se réjouir des améliorations apportées, sans pourtant se reposer sur cet acquis, afin de faire encore mieux à l'avenir, les améliorations à apporter restent encore nombreuses. A n'en pas douter, pouvoir entretenir une telle diversité d'étudiants est non seulement une chance, mais véritablement un trésor; en effet il rappelle à tous les valeurs essentielles et il apprend à ceux qui ne la connaîtraient pas la beauté de l'entraide.