Bénabar

Avec la sortie de son nouvel album «reprise des négociations», le chanteur français entre dans la cour des grands.

Sorti le 24 octobre dans toute la francophonie, le dernier album de Bénabar vibre déjà sur toutes les ondes: «Reprise des négociations» constitue le quatrième album de l'artiste parisien, et son nouveau répertoire étoffera la tournée du chanteur dès février 2006. Ses concerts en Suisse affichent déjà complet, confirmant le statut de star du showbiz de Bruno Bénabar, galopin ironique devenu clown mélancolique.

Hélas! Il est bien loin le temps où le chanteur bricolait des tournées dans les petites salles, embarquant ses «associés» dans des fanfaronnades légères et délirantes. Le moineau chanteur est devenu une star reconnue et un père responsable: son nouvel album surprend par sa sobriété, donnant beaucoup d'importance aux ambiances sonores. On sait que Bénabar s'entoure désormais de talentueux arrangeurs, mais la simplicité d'antan a fait place à un bouquet de nouveaux styles parfois décousus. Est-ce de la java-punk, du rock-fanfare ou du funk-musette? Quelle étiquette pourrait-on coller à ce Bénabar mature, qui garde une moue gênée sur les photos trop sobres du livret trop soigné ? Et dois-je vraiment me creuser la tête pour trouver un nom à ce que j'aime?

Le nouvel album est séduisant. Très professionnel. Il nous plaît à l'usage et nous convainc à l'usure. On aurait tort de se priver de cette édifiante démonstration de mauvaise foi qu'est «Le Dîner»; on perdrait à ignorer la triste ballade, la berceuse pour son fils, la blague à l'enterrement que Bénabar nous fignole avec humour. Certes, le parolier est devenu plus sage et plus subtil. Moins drôle peut-être, mais plus poétique: «Un terrain vague, de vagues clôtures, un couple divague sur la maison future.» ou encore «La larme à l'oeil en automne parce qu'elles sont mortes les feuilles, alors qu'j'les connaissais à peine, elles étaient même pas d'ma famille...»

Et du coup, on dirait que Bénabar rentre dans le rang des grands artistes contemporains, qui s'essaient à dépeindre leur monde de quasi-trentenaire dans du rock-réaliste souvent nostalgique: peut-être verra-t-on se dessiner sous nos yeux le prochain grand mouvement artistique. Ne racontent- ils pas tous la même histoire, ces Houellebecq, Delerm, Larcenet, Jaoui-Bacri et Jeanne Cherhal? Avec Renaud comme pionnier, les artistes francophones parlent tous de la même chose: ce XXIème siècle capitaliste qui nous mène droit dans le mur, nous laissant seuls face à nos petits plaisirs et nos grandes frustrations. Petit Bénabar est devenu grand, il vole désormais de ses propres ailes bien au-dessus du «showbiz» qu'il dénigrait tant.