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Pourquoi un étudiant américain s'en prend à l’œuvre de Thomas Piketty

Un jeune chercheur du MIT remet en cause la thèse sur les inégalités développée par Thomas Piketty dans son livre le "Capital au XXIème siècle".

Le 20 mars dernier Matthew Rognlie, 26 ans, étudiant au Massachusetts Institute of Technology (MIT), se présentait devant les ténors de la Brookings Institution, célèbre think tank américain pour exposer ses travaux critiques sur la thèse des inégalités croissantes développée par Thomas Piketty dans le "Capital au XXIème siècle" le best-seller économique mondial. Certes, l’économiste de gauche français a essuyé des tombereaux de critiques - plus ou moins étayées - depuis la publication de son pavé historico–économique. Pourtant, nombre d’économistes réputés comme Tyler Cowen considèrent que les arguments de Rognlie figurent parmi les plus solides.     

Car si le jeune économiste ne conteste pas la montée des inégalités, il remet néanmoins en cause l’explication qu’en donne Piketty.  "Le Capital au XXIème siècle … une œuvre maîtresse qui sera au centre du débat économique dans les années à venir", écrit-il dans un working paper publié dès le 15 juin 2014 avant d’exploser la thèse de Thomas Piketty façon puzzle.  

Celle-ci repose, en effet, sur le fait que le rendement moyen des revenus du capital - profit, intérêt, dividende - est supérieur sur le long terme à la croissance économique. Du coup, la part des richesses produites qui revient au détenteur du capital augmente inexorablement plus vite que celle qui revient aux travailleurs, ce qui accroit les inégalités. Piketty observe, en outre, que la rentabilité du capital est restée stable dans l’histoire récente, alors que la croissance - elle -  a décliné et que cette tendance va se poursuivre.

Le capital évolue dans sa nature

D’entrée de jeu, l’étudiant du MIT détruit cette pièce maîtresse de l’édifice théorique construit par Piketty.  Selon lui, l’économiste français ne tient pas compte du fait que le capital évolue dans sa nature avec la révolution technologique. A l’image du matériel ou des logiciels informatiques, celui-ci se déprécie ainsi en quelques années. Au lieu de plusieurs décennies comme c’est encore le cas pour les  équipements industriels lourds - une presse pour pièces automobiles par exemple - dont la durée de vie se chiffre en dizaines d’années. Cette modification du capital entraine une  baisse de son rendement net.  Car le capitaliste doit réinvestir une partie plus importante de ses revenus pour rester compétitif.  Donc si le taux de rentabilité -net- du capital décline, il peut être inférieur dans le temps à celui de la croissance du PIB.

Deuxième observation de l’économiste du MIT : la forte hausse du rendement du capital depuis le début des années 1970 s‘explique surtout par celle de l’immobilier.  Mieux valait-il miser sur la pierre que sur les entreprises, nous confirme à longueur d’équations et de graphiques le chercheur du MIT. Du coup, taxer mondialement et uniformément les détenteurs de capitaux sans tenir compte de la nature des actifs détenus, comme le propose Piketty avec sa taxe mondiale, pourrait s’avérer contre-productif et par ricochet destructeur d’emplois. Conclusion explicite de Rognlie : c’est l’explosion du rendement de l’immobilier qui est à l’origine de la montée des inégalités.       

Une part du capital figée dans l'immobilier

Enfin Mattew Rognlie dynamite l’idée selon laquelle la part des richesses créées allant aux travailleurs va diminuer à cause de la substitution inéluctable du travail par le capital. Selon lui, cette substitution risque d’être beaucoup plus lente que ne le suppose Piketty dans la mesure – notamment - ou une part importante du capital est figée dans l’immobilier.

Bien sûr, Piketty a répondu au jeune chercheur américain en précisant qu’il n’avait jamais affirmé que les inégalités allaient s’accroitre indéfiniment. Sans pour autant revenir dans le détail sur la pertinence des travaux effectués par le jeune homme. Manifestement il faudra d’autres travaux critiques pour faire redescendre Thomas Piketty de son Aventin idéologique. A 26 ans, Matthew Rognlie a -lui- encore le temps de peaufiner ses arguments !

[Sources : Challenges]

 

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