Dominique Arlettaz

Recteur de l'Université de Lausanne

Le profil de l'étudiant a-til beaucoup évolué depuis le début de votre carrière académique?
En fait, je crois que fondam-entalement ce qu'est un étudiant, ce qu'il attend, ce qu'il apporte, n'a pas vraiment changé au cours des dernières dizaines d'années. Il est généralement toujours très motivé pour la branche d'études qu'il a choisie, il est curieux voire passionné, il a envie de profiter des moyens d'apprentissage qui sont mis à sa disposition. Les étudiantes et étudiants que je côtoie ont de la volonté et de l'ambition. Je suis admiratif de leur capacité de s'adapter à leur environnement d'études, même si celuici n'est pas toujours favorable, et de surmonter les doutes et de rebondir après un échec.

 Je sais apprécier à quel point ce sont les étudiantes et les étudiants qui apportent de la gaîté et de la diversité à un campus. Je suis convaincu que cette motivation qui les anime est la même aujourd'hui que par le passé. En revanche, il est vrai que les compétences dont ils disposent avant d'entrer à l'Université sont un peu différentes de ce qu'elles étaient il y 20 ou 30 ans. Aujourd'hui, ils ont par exemple l'habitude d'être confrontés à une foule d'informations, ils savent les rechercher et les traiter, et ils savent mieux que leurs prédécesseurs gérer un projet d'une certaine ampleur, ce qu'ils ont appris par le biais de leur travail de maturité. Il y donc bien des différences entre l'étudiant qui entre à l'Université aujourd'hui et celui d'il y a 30 ans, mais sur le fond, ils sont les mêmes.

On parle d'un désintérêt des jeunes pour les filières scientifiques. En tant que professeur de mathématiques, comment l'expliquez-vous?
Il y a toujours eu des cycles, des périodes où certaines branches scientifiques avaient un attrait auprès des futurs étudiants et des moments de relatif désintérêt. Plus précisément, il y a eu le temps de l'attrait pour la physique dans les années 50-60, celui de l'arrivée de l'informatique dans les années 70 et 80, et aujourd'hui ce sont les sciences de la vie qui ont fait des progrès incroyables et qui attirent les jeunes. Dans le domaine des mathématiques, si l'on regarde avec suffisamment de recul, on constate que l'intérêt pour cette branche très abstraite a toujours été relativement modeste, mais assez constant. Je suis convaincu que cette tendance va se poursuivre et qu'il y aura toujours des étudiants passionnés pour cette discipline magnifique. Je crois surtout qu'il ne faut pas trop s'inquiéter des éventuelles variations. Ce qui est en revanche essentiel, c'est que l'étudiant qui entreprend ses études choisisse un domaine qui l'intéresse vraiment, pour lequel il peut se passionner, c'est cela qui sera la clé de son succès.

Aujourd'hui, les études correspondent plus à une course aux diplômes qu'à une aventure intellectuelle. Etes-vous d'accord avec cette affirmation?
Non, c'est toujours une aventure intellectuelle. Pour réussir des études, il faut le vouloir, il faut être motivé, c'est cela le moteur de l'apprentissage. Un parcours universitaire est toujours une histoire un peu unique, qui laisse des traces pour la vie, qui a ses surprises, ses découvertes, ses frustrations et ses moments de plaisir intense où l'on comprend que l'on a acquis quelque chose que personne ne peut nous prendre. Obtenir un diplôme, c'est autre chose à laquelle les étudiants ne pensent pas tout le temps. C'est une nécessité pour la suite de leur carrière, mais je ne crois pas qu'ils courent plus aujourd'hui après les diplômes qu'auparavant. En revanche, il est vrai que nombreux sont les étudiants qui demandent que tout effort soit reconnu et valorisé, par des crédits d'études en particulier.