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Une étudiante très sage

Rencontre avec la songwriting Heidi Happy

Dans la lignée de Sophie Hunger, Heidi Happy fait aujourd'hui figure d'icône de la pop helvétique. Priska Kemp de son vrai nom, la jeune artiste égrène sa musique délicate, nappée de jazz et de folk, jusque sur les scènes allemandes et hollandaises. En parallèle, la songwriting lucernoise mène ses études tambour battant. Diplômée de l'école normale de Hitzkirch (aujourd'hui Haute École Pédagogique) en 2002, elle enseigne ensuite pendant deux ans. Elle enchaîne avec le cours préliminaire de la Haute Ecole d'art visuel de Lucerne. Enfin, de 2005 à 2008, elle se perfectionne dans l'audiovisuel à la Gerrit Rietveld Academie à Amsterdam. A la croisée des chemins, elle revient pour etudiants.ch sur cette période à double enjeu...

Heidi Happy est-elle quelqu'un de très heureux?
Je ne sais pas s'il on peut dire «très». Sûrement heureuse, oui, mais pas à cause de mon nom!

Tu as terminé avec succès l'école normale. Pourquoi ne pas avoir continué sur ce chemin?
J'ai enseigné pendant deux ans dans un établissement d'éducation spécialisée. Je n'arrivais pas à me libérer la tête le soir après le travail, ce qui me rendait malheureuse. Le fait de réussir l'examen d'entrée pour le cours préliminaire s'est présenté comme un signe pour moi...

Quand t'es-tu décidée pour l'école normale?
Déjà toute petite, je m'imaginais devenir enseignante, et en passant chanteuse background de Joe Cocker. Quand il s'agissait de prendre une décision, c'était surtout la voie de la formation qui primait. J'adorais la musique et j'avais entendu que cette matière était spécialement promue à l'école normale.

Comment as-tu vécu ton expérience en qualité d'enseignante?
Bien que j'aie éprouvé beaucoup de plaisir à donner des cours, j'étais trop jeune, trop sensible et pas assez sûre de moi à mes débuts. Dans la salle des professeurs, j'avais souvent l'impression de devoir m'adapter, tandis que d‘autres semblaient être nés pour cette profession.

Comment t'a été inoculée ta passion pour la musique?
Il était impossible de grandir dans ma famille sans être baignée dans la musique. Ma mère était chanteuse, dirigeait des coeurs, donnait des leçons à la maison. Des instruments de musique jonchaient toutes les pièces.

Pourquoi ne pas avoir opté pour des études en musique?
D'une part, j'avais peur que la musique finisse par me dégoûter. D'autre part, en suivant un cours théorique à l'école de jazz, je me suis rendue compte que cette manière d'accéder à la musique n'avait aucun sens pour moi à ce moment là.

Pouvais-tu aisément pratiquer ta passion parallèlement aux études?
Pendant l'école normale, j'étais occupée presque tous les soirs, que ce soit par les répétitions avec mon groupe, les projets en studio ou encore les cours de
chant. La musique occupait la plupart de mes activités extrascolaires. En parallèle, l'école constituait plutôt un hobby...

A partir de quand estelle devenue ta profession?
Quand j'ai terminé l'Ecole d'art à Amsterdam, mon agenda était déjà truffé de dates de concerts et de rendez-vous dans les studios. C'est pour ainsi dire sans transition que ma passion est devenue ma profession.

Où habitais-tu pendant tes études?
J'ai d'abord logé deux ans à l'internat de l'école. Ensuite, je me suis installée dans un petit village près de l'école avec deux amies. Une fois mon diplôme en poche, j'ai déménagé à Lucerne. A Amsterdam, je louais une chambre dans une colocation et profitais d'un matelas chez des amis lors de mes passages en Suisse.

Comment finançais-tu ton stage à Amsterdam?
La première année, il me restait encore un petit pécule issu de mes deux ans d'enseignement. En plus de ça, je cumulais des petits boulots et mes parents couvraient mes frais d'études. A partir de "Back together" (2006) (ndlr. son premier album), j'ai pu commencer à vivre de la musique, dans la mesure où la ville et le canton de Lucerne me soutenaient encore pour la production des disques.

Qu'est-ce qui t'a spécialement marquée à l'école normale?
Du temps de l'école normale, j'étais constamment entourée de plein de gens. Cela a certainement forgé ma compétence sociale.

Et à Amsterdam?
J'y ai appris à prendre des risques et à fixer des objectifs plus élevés que ce qui semblait aisément atteignable.

Avec du recul, quel regard portes-tu sur tes études?
Que ce soit à Hitzkirch, à Lucerne ou à Amsterdam, mes études ont été très enrichissantes. Bien que le contenu théorique soit aujourd'hui secondaire, j'y ai découvert différentes manières de penser et de se comporter.

Quelle relation as-tu aujourd'hui avec la profession d'enseignante?
Je vais bientôt donner des cours d'hôte à la Rietveld. Je m'en réjouis beaucoup. Mais de là à retourner enseigner à l'école primaire, il y a un pas que je ne suis pas prête à franchir pour l'instant.

Révèle-nous une anecdote de ta vie estudiantine...
Comme j'étais souvent absente à cause de la musique, je ne voulais pas encore attirer l'attention de manière négative sur ma personne. J'étais donc une étudiante très sage, sans anecdotes...

Un conseil pour les jeunes artistes qui fréquentent les hautes écoles?
Ne vous laissez pas cantonner par des barrières qui n'existent pas!

«Ma passion est devenue ma profession» Crédit photo: Merlijn Doomernik