La vie en solitaire

Entre délices et dérives

Pour beaucoup d’étudiants, la colocation s’inscrit pleinement dans la culture estudiantine. Valeurs communautaires et possibilité d’alléger le loyer - soit le poste de dépenses le plus conséquent - motivent essentiellement leur choix. Mais tous n’adhèrent  pas à ce postulat, puisque une frange de farouches privilégie la voie solitaire. A leurs risques et périls ?

Bien que certains peuvent s’appuyer sur les ressources de parents indulgents, opter pour l’alternative solitaire, en studio ou en appart, implique quasi systématiquement un sacrifice financier. Sacrifice certes compensé par une indépendance plus étendue, laquelle ne se voit plus neutralisée par les obligations inhérentes à la cohabitation. Mais cette liberté peut-elle être pernicieuse ?

DÉSOCIALISATION ?

Faire ménage avec soi-même, loin du regard d’autrui, met de toute évidence à l’abri de nombreuses concessions. Boire le café noir aux aurores, déjeuner lorsque le soleil a déjà atteint le zénith ou manquer son tour de nettoyage de la salle de bain ne souffre d’aucune désapprobation. Mais ce mode de vie n’est pas exempt de quelques écueils. A vivre ainsi épargné par les normes collectives, l’étudiant isolé risque de se voir gagner par le culte du canapé, de se laisser envahir par le syndrome de l’oisiveté, bref, d’enfoncer les portes déjà entrouvertes par la jouissive liberté académique.

S’il pourra toujours se socialiser en accueillant des squatteurs itinérants, quelques fêtards qui ont callé chez lui ou encore une quelconque conquête, le spectre de la paresse et de la marginalisation menace l’énergumène. Sans les contraintes imposées par des colocataires bienveillants, l’étudiant solitaire risque l’indigestion de liberté. Et comme l’écrivait André Maurois dans ses mémoires : « Les abus de la liberté tueront toujours la liberté. »

Introspection?

Vivre en solitaire, c’est donc une histoire de liberté individuelle et de liberté de propriété. Mais c’est aussi affaire de liberté de penser. Penser à son parcours, disséquer son ego, … L’étudiant esseulé dans sa sphère privée trouve ainsi le temps, entre la grasse matinée et la sortie nocturne, de mener un important travail introspectif devant sa PlayStation.
A regarder à l’intérieur de lui-même, l’étudiant se voit cependant menacer par un nouveau traquenard. S’il est enrichissant d’étudier les phénomènes
psychologiques qui se passent en soi, analyser son improductivité peut aussi mener sur le chemin de la détresse estudiantine.

Quoi qu’il en soit, cette tranche de vie peut valoir son pesant d’or. Parce qu’il est bon de profiter des facéties de la condition d’étudiant et, surtout, parce que cela ne va pas durer….