Universtituées

...le nouveau «sponsoring» des études...

Fins de mois difficiles, besoins d'argent de poche... Elles sont étudiantes et vendent leurs charmes: un phénomène qui s'amplifie dans les principales capitales européennes. Cette histoire a commencé dans le bar d'un grand hôtel. Vêtements classiques un brin décolletés, elles discutent tout en lançant des regards malicieux à leurs voisins. Jusque-là, rien de plus banal qu'un petit jeu de drague. La situation semble moins normale quand on sait qu'elles sont étudiantes et qu'elles ne sont pas forcément dans ces lieux pour jouer. Renseignements pris auprès de quelques serveurs, le phénomène est relativement confiné, mais régulier. Depuis plusieurs mois, différents documents ont été accumulés sur le sujet. Les informations obtenues pour la Suisse sont faibles et très rapidement, nos interlocuteurs nous ont conseillé de pousser nos investigations du côté de l'Hexagone. Après quelques contacts auprès de syndicats d'étudiants en France, nous nous apercevons que ce phénomène, marginal chez nous, a pris des proportions inquiétantes dans les grandes villes européennes : Lyon, Paris, Bruxelles, Varsovie. Même le pays du Soleil Levant n'échapperait pas à cette réalité.

...en France
L'équipe d'etudiantes.ch a tout d'abord investigué à travers la Suisse romande pour en savoir plus. Sans succès ! Ne seraient-ce finalement que des légendes urbaines ? Des téléphones auprès de France 2 qui a réalisé un Envoyé Spécial sur ce sujet, mais surtout auprès du Mouvement du Nid, qui milite pour un monde sans prostitution, nous avons décidé de nous lancer dans un sujet qui va sûrement déranger… Bars à hôtesses, agences d'escorte, masseuses, petites annonces coquines sur Internet et même le trottoir, elles n'hésitent pas à faire le pas pour financer leurs études ou augmenter leur pouvoir d'achat. Des activités plutôt individuelles, occasionnelles et difficilement répréhensibles s'il n'y a ni racolage ni proxénétisme. Bien qu'aucune étude sérieuse n'ait pour le moment été menée sur ce phénomène, les hypothèses peuvent être rapidement énoncées : hausse des prix du logement, coût des études, difficulté à obtenir des bourses ou des petits jobs réguliers. Le syndicat SUD-étudiant va plus loin et lance un pavé dans la mare en affirmant que plus de 40'000 étudiants se prostituent et la majorité d'entre eux seraient des étudiantes ( ou plus de 2'000 étudiants en ramenant ces chiffres à l'échelle de la Suisse !). Des chiffres à manipuler avec prudence, mais qui ont eu au moins l'avantage d'une prise de conscience des partenaires sociaux et politiques… Et nul doute que ces prochains mois, témoignages et statistiques viendront compléter ces premières affirmations.

...en Angleterre
Un sondage effectué par la Kingston University indique qu'une personne interrogée sur 10 déclare connaître des étudiantes travaillant dans des clubs d'effeuillage, des salons de massage ou des services d'escorte. Une sur 15 va plus loin et affirme connaître une étudiante se prostituant. L'augmentation de 300% depuis 1998 des frais d'inscription dans les universités britanniques serait la motivation principale de leur démarche (moyenne : 4'500 euros).

Des témoignages
Un job d'été pas comme les autres. Pendant ses études en médecine vétérinaire, Amélie a travaillé dans dif férentes maisons closes de Bruxelles avec comme « satisfaction » de gagner son argent de poche en quelques semaines plus qu'elle n'aurait jamais espéré en travaillant dans un fast-food. Comme beaucoup, elle a fait cette démarche en prenant un minimum de risques. Sa hantise : les réseaux de proxénètes. D'autres ont eu moins de chance, comme Anna, étudiante en première année de psychologie. Une fois sa matu en poche, elle se décide à quitter le cocon familial et à voler de ses propres ailes. Après avoir accumulé des petits jobs de veille et dans la restauration, elle abandonne, car le rythme est trop soutenu. C'est à ce moment qu'une connaissance lui parle de photos amateurs. Très rapidement, les sollicitations sont nombreuses et son emploi du temps est surbooké : plus de temps pour les cours… Malheureusement pour elle, les demandes sont de plus en plus sordides et un jour, c'est l'agression. S'en suivent hospitalisation, dépression, tentatives de suicide. Aujourd'hui, grâce au soutien de ses amis, elle est sortie de cette spirale infernale.

Internet
Selon tous nos contacts, le web reste un des lieux où les étudiantes s'adonnent le plus à ces activités : petites annonces, photos de charme, ou webcam. Qui n'a jamais eu l'occasion de voir de telles annonces? Quand on sait qu'il suffit de deux clics de souris et d'une carte de crédit pour consulter des photos, pour obtenir des poses sur mesure ou même un strip-tease à la demande... Et nous ne nous étalerons pas sur le « mythe de l'étudiante » ! Essaie de taper les mots étudiantes et sexy sur ton moteur de recherche favori ! Tu ne risques pas de tomber sur des photos de soirées d'une école ou sur un classement des plus jolis minois du campus...

Il n'est pas rare que l'interface de gestion des petites annonces d'etudiantes. ch affiche des propositions du type: «recherche hôtesse pour accompagnement dans des soirées ou des repas d'affaires», «photographe amateur recherche étudiante pour photos de charme» ou «tu souhaites prendre 1 semaine de vacances, je t'invite tous frais payés à Marrakech». Des textes qui ne passent pas sur le site. L'analyse de Sébastien Treyvaud développeur du site: «Nous avons été obligés, très rapidement, de mettre un filtre entre les annonces que nous recevons et celles que nous publions. Entre les propositions de crédit facile et les promotions pour des régimes, il n'est pas rare d'avoir des messages à caractère sexuel. Un système basé sur l'analyse des mots-clés scanne toutes les annonces. Les plus douteux sont automatiquement mis en quarantaine pour validation. Nous avons également pris comme règle de ne pas publier les annonces qui contiennent des liens. Derrière une simple annonce d'appartement où l'utilisateur « qui recherche absolument une fille pour reprendre sa chambre», il nous est arrivé de trouver un lien sponsorisé pour un salon de massage. Mais les contrôles ne sont pas qu'automatiques: toutes les annonces sont lues par un collaborateur ou une collaboratrice du site. Une activité chronophage, mais qui a au moins l'avantage de garantir la qualité du contenu, modulo l'orthographe...».

Vraies prostituées, fausses étudiantes
Lors de notre entretien téléphonique avec un responsable du Mouvement du Nid à Paris, notre interlocuteur nous a mis en garde sur la complexité du phénomène: «A l'heure actuelle, aucune étude officielle n'existe, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il n'existe pas! La police a déjà démantelé des réseaux de prostitution dont les filles, toutes étrangères, possédaient des cartes d'étudiantes. C'est un moyen très facile pour des jeunes femmes d'obtenir des permis de séjour.»

En Suisse Romande, peu d'associations sont actives dans le milieu de la prostitution, nous ne citerons que Fleur de Pavé. Présent sur le terrain depuis 1946, le Mouvement du Nid est une association française d'aide aux personnes prostituées. Son but est la disparition de la prostitution et la répression du proxénétisme par une politique sociale globale et un changement des mentalités. Sensibilisation, éducation et prévention sur les plans sociaux, culturels et économiques sont les piliers essentiels de son action, sans oublier tous les aspects liés à la santé et au respect. Le Mouvement du Nid a édité en collaboration avec Derib une bande dessinée pour la prévention de la prostitution à destination des jeunes : pour toi sandra. Un nouveau projet avec le dessinateur suisse est actuellement en cours. Observatoire privilégié, le Mouvement du Nid est une véritable source d'informations sur le phénomène de la prostitution.