dossiers

La vie selon Tanguy

Ou la dolce vita chez mamma!

«Tu es tellement mignon... Si tu veux tu pourras rester à la maison toute ta vie!», Voilà la phrase que bébé Tanguy, héro du film éponyme, entend à sa naissance. 28 ans plus tard, malgré sa bonne situation, il habite toujours à la maison et sa maman regrette sa promesse passée. C’est ainsi que le film «Tanguy», sorti en 2001, a donné son nom au phénomène social décrivant les jeunes adultes qui vivent longtemps chez leurs parents.

Le film a mis en lumière, avec humour, un problème bien actuel. La vraisemblance du scénario lui a, d’ailleurs, valu de devenir emblématique de la situation. Le syndrome Tanguy résulte de changements sociétaux, qui sont apparus au fil du temps. Les jeunes ont désormais tendance à faire des études plus longues, à se marier et fonder une famille plus tard – pas étonnant qu’ils s’attardent et s’incrustent dans le nid familial où ils trouvent confort et hospitalité.

Historiquement, on a identifié le phénomène pour la première fois dans les années 80. A la suite de la seconde guerre mondiale, la génération des baby-boomers s’était accaparée les postes de travail. Les jeunes de la génération suivante, qui avaient de la difficulté à trouver un emploi, ont prolongé leurs études. Ceci soit dans le but de trouver un meilleur job, soit dans l’attente qu’une opportunité se présente. Pendant ce temps, ils restaient vivre à la maison.

Les Tanguys sont souvent cause de moquerie. Au Japon, on les appelle même les «célibataires parasites». Aujourd’hui c’est en Italie que le syndrome Tanguy semble le plus présent. Pour ce pays, aux raisons évoquées précédemment, s’ajoute l’importance culturelle de la famille. Mais le phénomène est aussi bien présent en Suisse.

Gagner en indépendance

S’établir seul dans «son» premier logement est une étape importante, il n’y a pas de doute. A 21 ans, la moitié des jeunes s’est déjà envolée du nid familial (chiffres Comparis). Cela n’a rien de très étonnant lorsque l’on sait qu’environ 70% des élèves entrent en apprentissage à la sortie de l’école obligatoire. Grâce au système de formation duale que la Suisse offre, ces jeunes-là sont rapidement insérés dans la vie professionnelle. Ils reçoivent un salaire et peuvent donc s’assumer financièrement. Quant aux étudiants, ce n’est qu’à l’âge de 24 ans que la moitié des diplômés du secteur tertiaire A (universités et HES) quitte le domicile familial.

Tous des Tanguys?

On distingue différents types de Tanguys. Tout d’abord, ceux qui restent à la maison parce qu’ils y sont contraints en raison de la situation économique. Eternels étudiants, ils n’ont ni emploi ni argent. Débuter dans la vie coûte cher. On doit d’un coup pouvoir couvrir de nombreux frais : nourriture, logement (loyer, électricité, chauffage, etc.), assurances ainsi que de nombreuses factures. Certains, actifs depuis peu dans le monde professionnel, seraient à même de s’assumer mais malheureusement la crise du logement qui sévit rend toute location d’appartement quasi impossible. Les victimes de cette pénurie d’habitations se trouvent donc forcées de rester vivre chez leurs parents. Une partie de ces jeunes rêverait d’avoir de l’indépendance et de pouvoir voler de leurs propres ailes alors que l’autre ne s’en désole pas et trouve la situation plutôt agréable. Les raisons du coût de la vie élevé seraient alors qu’une excuse pour beaucoup d’entre eux.

Il existe donc des Tanguys bienheureux de pouvoir rester à la maison. Grandes commodités : le ménage et les courses sont faites, les repas sont servis. Encadrés, ils n’ont aucune responsabilité à assumer et ne voudraient pour rien au monde renoncer à ce confort personnel. Une situation qui est donc idéale pour l’étudiant qui reçoit alors un soutien matériel, financier et moral et qui se sent à la maison comme à l’hôtel. Nombreux sont aussi les jeunes qui, après une première expérience indépendant, reviennent à la maison familiale.

On observe que la famille a profondément évolué au cours des générations. Dans un monde en manque de repères, elle est désormais perçue comme un refuge. Les parents semblent aussi devenus plus tolérants et acceptent davantage la présence de leurs grands enfants sous leur toit. Toutes les conditions sont ainsi réunies pour rester dans cette petite bulle familiale.