On entend très souvent dire que le Brésil est un pays dangereux. Avant de partir, je m’étais fait avertir de tous les côtés : « Tu pars au Brésil ?! Mais t’as pas peur de te faire attaquer ? », « Tu vas devoir faire super attention, surtout avec ta tête d’étranger ! Habille-toi comme une épave, sinon tu vas te faire agresser, dès les premiers jours ! ». Bon. Ce n’étaient pas seulement des Européens qui n’avaient jamais mis pied au Brésil qui me disaient ça mais, également, des gens qui avaient déjà vécu au Brésil. Je ne savais pas trop comment juger toutes ces informations et je me suis dit que je me forcerais à être plus discret qu’en Suisse.
En arrivant, j’ai rapidement compris que les Brésiliens, eux aussi, ont peur. Vraiment peur. Dès que la nuit tombe, ils restent en grands groupes et s’éloignent des quartiers connus considérés comme étant moins bien fréquentés. Plusieurs d’entre eux rentrent avant 20h pour ne pas devoir rentrer seuls à des heures plus dangereuses.
Bon. Ceci étant mes premières impressions, je suis resté prudent. La plupart de ces conseils ou avertissements m’étaient donnés par les premiers Brésiliens que j’ai rencontrés – des Brésiliens de la classe moyenne supérieure (malheureusement la plupart des étudiants de la poli, école polytechnique de l’USP viennent de familles relativement aisées car l’examen d’entrée – « vestibular » – est très difficile et requiert souvent des préparations d’écoles privées – chères). J’ai donc rapidement réalisé que cette crainte qui pèse sur la plupart des Brésiliens de la classe moyenne (ne parlons pas des plus riches, qui se déplacent seulement en hélicoptère, n’osant pas même mettre un pied sur le sol de São Paulo, la ville avec la plus grande flotte aérienne au monde) n’est pas justifié. Cette peur n’a pas de raison rationnelle d’exister, du moins pas à cette intensité.
En connaissant mieux la ville et, peut-être, ayant été très curieux dès le départ, j’ai fréquenté toutes sortes de classes sociales, particulièrement les plus défavorisés. Et tout de suite, la perspective change. Selon moi, le déclic s’est fait lors d’une nuit que j’ai passée avec des amis dans un joli parc à São Paulo, « Praça Por do Sol », qui porte son nom du fait qu’on voit le soleil se coucher et se lever sur une magnifique vue de la ville. Cet endroit est surtout fréquenté par les jeunes qui passent leurs soirées là-bas. Un grand nombre de groupes occupaient les petits espaces de ce parc, le milieu était plutôt populaire. Au bout de quelques heures, au milieu de la nuit, mes amis ont voulu rentrer, mais pour moi c’était exclu : je passais vraiment un bon moment. Donc je suis resté là seul et, jusqu’au petit matin, j’ai vagabondé de groupes en groupes, passant une excellente soirée riche en conversations bien différentes de celles auxquelles j’étais habitué. J’ai compris là qu’en sympathisant avec les gens qui nous entourent, tout risque s’efface.
On me dit souvent que je suis un peu naïf ou trop confiant (mais moi j'estime plutôt que les Brésiliens sont paranoïaques et qu'ils exagèrent) car, comme dit plus haut, la plupart des natifs du Brésil ont peur de sortir seuls le soir, même dans les quartiers mieux fréquentés - ne parlons pas du vieux centre, qui est considéré comme mal fréquenté (il l'est en partie, étant proche de la « Cracolândia » dans laquelle le trafic et la consommation de crack sont très présents) et donc considéré comme très dangereux.
Pourtant, je suis rentré je ne sais pas combien de fois à pied, seul, à des heures improbables après des fêtes. J'ai été dans des boîtes de nuit fréquentées par des milieux très populaires et j'ai déjà marché seul, durant la nuit, dans ce vieux centre considéré si dangereux (pour aller au « TrackerTowers », un grand bâtiment vide du centre de São Paulo dans lequel des soirées sont parfois organisées). Et il ne m'est jamais rien arrivé. Je me sens très en sécurité ici. On m'a dit parfois que c'était car j'étais grand et que j'avais la barbe, mais j'estime cette ville plutôt sécurisée par rapport à sa taille, spécialement pour ceux qui préfèreront rester prudent et donc rester dans des quartiers plus étudiants (comme Vila Madalena). J’estime ces quartiers-là aussi sécurisés que la Suisse.
Bien sûr, je n'expose pas mon téléphone, je ne mets jamais de montre et je ne m'habille pas particulièrement à la mode ici. Ça me permet de rester discret et de pouvoir mieux me fondre dans le paysage (d'ailleurs une de raisons pour laquelle il ne m'est jamais rien arrivé, je pense, est que je n'ai pas peur et j'imagine que cela se voit dans mon attitude: quand quelqu'un de bizarre vient me parler, je parle avec lui comme s'il était tout à fait normal. Il me raconte des choses improbables, il est clairement sous l’effet de l'alcool et de drogues, mais il remarque que je le considère comme identique à moi. Et c'est une autre façon de s'intégrer dans ces environnements qui pourraient au premier abord sembler hostiles, et donc d'éviter les problèmes. Bon, ce n'est pas forcément à imiter hein, ça reste un comportement un peu excentrique..!)
Pour rapidement conclure, car j’ai exposé plusieurs points de vue dans cet article : Il n’y a pas à avoir peur à São Paulo. Le mieux est d’éviter certains quartiers à certaines heures, comme n’importe quelle grande ville, et d’adopter quelques règles de conduite. Mais les Brésiliens sont en général très amicaux ce qui rend une promenade dans cette grande métropole très agréable et sans craintes.