Une protéine à fonctions multiples dans le kit cellulaire

Des chercheurs de l’UNIGE découvrent un véritable «poids lourd» de la modulation de l’expression des gènes

Protéger l’ADN et servir la cellule. Telles sont les attributions d’une protéine polyvalente, dont les diverses facettes ont été mises au jour par l’équipe de David Shore à  l’Université de Genève (UNIGE). Cette molécule, connue pour son rôle dans la protection  des extrémités des chromosomes, est en fait employée à différentes tâches  au sein de la cellule. A elle seule, la protéine module l’expression de près de 3% des  gènes. Par ailleurs, cet étonnant chef d’orchestre moléculaire influence l’activité  d’autres gènes modulateurs, tels que ceux impliqués dans la synthèse des ribosomes,  les usines cellulaires de fabrication des protéines. Ces travaux font l’objet d’une publication
dans la revue Molecular Cell du 28 mai 2010.

Une partie des aliments que nous ingérons est utilisée par nos cellules pour croître et fabriquer de  nouvelles protéines. Cette tâche s’effectue à l’aide des ribosomes, les usines moléculaires qui produisent  ces éléments vitaux. Etant donné que les ribosomes constituent l’un des moteurs de croissance de la  cellule, les chercheurs s’intéressent de près aux mécanismes qui contrôlent leur production au sein de la  cellule.

Certains des acteurs clés dans la genèse des ribosomes sont de petites molécules appelées snoARN. C’est  en cherchant à comprendre comment ces dernières sont elles-mêmes contrôlées que l’équipe de David Shore, du Département de biologie moléculaire de l’UNIGE, a fait une découverte à rebondissements.

Un factotum cellulaire

Les scientifiques ont mis au jour un mécanisme régulant la synthèse des snoARN chez la levure. Ils ont  découvert avec surprise qu’une protéine appelée Tbf1 y occupait un rôle central. «Tbf1 était déjà connue  pour une tout autre fonction, celle de protéger les extrémités des chromosomes, les télomères. Il est tout  à fait étonnant qu’une protéine puisse avoir deux fonctions aussi différentes à la fois», explique David  Shore.

Mais ce n’est pas tout. Outre le fait de protéger l’ADN et de contrôler la production des ribosomes, Tbf1  possède en fait de multiples cordes à son arc. En collaboration avec des équipes de l’Université de Parme  et de l’EPFL, les chercheurs ont effectué des analyses génétiques à l’aide de techniques sophistiquées de  bioinformatique afin de suivre la protéine à la trace. «A elle seule, Tbf1 influence l’expression de quelque  170 gènes, soit près de 3% de des gènes de la levure», rapporte Cyril Ribeyre, membre du réseau du Pôle  Frontiers in Genetics.

Des levures et des hommes

La levure, un champignon unicellulaire, est souvent utilisée comme organisme modèle, car elle fonctionne  comme une cellule de mammifère, tout en étant plus simple à manipuler. La découverte d’un véritable «poids lourd» de la modulation de l’expression de gènes chez ce micro-organisme soulève par conséquent des questions relatives au contrôle des gènes dans les cellules humaines.

«Il existe effectivement une protéine homologue de Tbf1 dans nos cellules et elle joue aussi un rôle de «capuchon» pour les télomères. Elle remplit une tâche essentielle à ce niveau, car une altération dans sa fonction a été mise en évidence dans certaines formes de cancer. Nous ne savons toutefois pas encore si cet homologue humain exerce aussi d’autres activités, notamment sur l’expression des snoARN», relève David Shore.

Le chercheur précise que les snoARN sont eux aussi présents dans les cellules humaines, avec une fonction similaire dans la synthèse des ribosomes. Par ailleurs, des mutations dans ces molécules sont  impliquées dans certaines pathologies, telles que le syndrome de Prader-Willi. Elucider les rôles, potentiellement  nombreux, de l’homologue humain de Tbf1 devrait permettre de mettre en place bon nombre  de pièces de puzzles apparemment interconnectés.

Catégories