Formation

Étudiants en entreprise : Stagiaires, les souffre-douleur du système !

Le stage n’est pas un emploi, pourtant, cette immersion dans le monde du travail donne d’emblée aux futurs employés une bien triste image de l’environnement «professionnel».

Les amalgames autour des visées didactiques des stages en entreprise font que certains sont exploités comme des sous-employés corvéables à souhait ou, pire, tout bonnement ignorés. Et comme «il ne peut y avoir de stage hors parcours pédagogique», selon les chartes en vigueur, certains patrons font mine de s’impliquer dans l’effort national d’enseignement rien que pour bénéficier des avantages y afférents et se procurer de la main-d’œuvre gratuite.

D’après des étudiants en fin de parcours, l’idée selon laquelle il est difficile de décrocher des stages en entreprise n’est pas tout à fait juste. Il s’agit surtout de ne pas rater cette étape cruciale du cursus en faisant un passage au mauvais endroit. Effectivement, des témoignages d’étudiants stagiaires corroborent les enquêtes effectuées récemment par Semsem (Services pour l’employabilité et la mobilité sous forme de stages en entreprise des étudiants du Maghreb/Machrek).

Ainsi, les pratiques ne sont pas «sécurisées» malgré leur apport censé être rentable autant pour les futurs diplômés que pour les entreprises. Le dispositif Semsem tentera donc, tant bien que mal, dès l’année prochaine, d’«optimiser la gestion du stage et obtenir un label de qualité». Mais en attendant, le développement des stages est la pierre angulaire de l’orientation et de l’insertion professionnelle des jeunes, à en croire les tenants de l’enseignement supérieur et leur vis-à-vis socioéconomiques toujours en proie à de graves dysfonctionnements.

 

Sous-estimés et Ignorés

L’investissement, notamment en temps, devant être consacré à l’encadrement du stagiaire – autant par un enseignant de l’établissement que par un membre de l’entreprise — est dans la plupart des cas marqué par un double désistement. «Il est vrai que nombre d’enseignants, déjà acculés par leur charge de travail pédagogique au sein de l’établissement, ne s’investissent pas dans le suivi de l’étudiant parti en stage», avoue un enseignant de l’université de Bab Ezzouar. «Un étudiant à l’usine est un souci de moins pour l’université, se complaisent à dire certains de mes collègues...» Et d’ajouter : «Mais ce n’est pas si dramatique. Selon moi, le stage est une occasion d’émancipation, les étudiants brillants sauront s’en sortir tout seuls.»

Outre leur abandon dans les couloirs des entreprises, ces stagiaires se plaignent de la non-assistance des tuteurs dans la mise en œuvre des moyens matériels pour réussir leurs missions, ou pour intégrer de manière professionnelle l’organigramme de l’entité et, manifestement, «encore moins sur les règles, les codes et la culture de l’entreprise». «J’aurais aimé qu’on me délivre une attestation de stage décrivant les missions que j’ai effectuées et au moins une lettre de recommandation pour accompagner mon curriculum vitae...» Vaine espérance  pour Akram, ex-stagiaire, actuellement sans emploi. Son tuteur s’est contenté de signer en bas d’un imprimé standard.

 

Dédain et Méfiance

Le mémoire qui doit être exposé au préalable aux responsables de l’entreprise avant la soutenance est souvent considéré comme une corvée par certains cadres. «Certains cadres sont hautains et, sous prétexte d’avoir fait de hautes études, traitent les stagiaires comme de médiocres ignorants», dénonce Fella, automaticienne.

Son binôme, Saïda, confirme en ajoutant que même si l’entreprise en question est loin d’être un exemple d’innovation, les employés confirmés sous-estiment le savoir des nouveaux étudiants. «Apparemment bien plus dédaigneusement depuis l’avènement de l’LMD», précise-t-elle. «Nous, nous avons fait de vraies études !» lui a-t-on souvent houspillé.
Pourtant, un certain nombre de post-graduants arrivent en entreprise avec des travaux de recherche de pointe et un savoir mis à jour qui dépasse l’organisation du travail souvent archaïque dans nombre de sociétés, notamment étatiques. Mais leur labeur se voit dédaigneusement ignoré.

Le mémoire, selon les conventions entre l’université et les entreprises, peut rester, à la demande de l’entreprise, confidentiel. «Le comble pour des secrets industriels de Polichinelle», ironise Abdelwahab, instrumentiste et spécialisé en automatisme. «Les étudiants stagiaires doivent respecter les règles respectives de confidentialité et de déontologie», lui a sèchement signifié un directeur des ressources humaines.

 

Validation à l’emporte-pièce

L’évaluation à l’aveugle frustre plus d’un étudiant appliqué. La sanction du stage, souvent garantie systématiquement, ne s’attarde pas outre mesure dans l’évaluation du mérite réel du stagiaire. «Le passage de stage, s’il n’est pas sous-estimé, est froidement adopté, mettant sur un pied d’égalité les bons éléments et les moins compétents, se plaint Samir, futur ingénieur en génie civil. On valide notre travail pourtant très engagé et élaboré à l’emporte-pièce. C’est frustrant.»

Ainsi, quoique les conventions de stage stipulent que les deux parties cotutrices de l’apprenant doivent asseoir une matrice de communication afin d’échanger des informations sur l’état d’avancement du stage et œuvrer à la levée des éventuelles difficultés auxquelles le stagiaire serait confronté, concrètement les modalités d’évaluation sont effectivement consignées dans le dossier de stage, mais les fiches d’évaluation sont par contre froidement «remplies» sans évaluation dûment «éclairante» sur le potentiel du futur candidat au travail. Force est d’avouer qu’au même titre, l’appréciation faite par les stagiaires à l’endroit des établissements d’enseignement et de leurs partenaires n’est pas plus reluisante.

 

(source: El Watan)

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