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Un artiste aux multiples facettes

Immersion dans un monde coloré et huilé

Âgé de seulement 25 ans, le Jurassien Niklaus Manuel Güdel est un peintre reconnu dans le milieu artistique. A travers son œuvre, il interroge le rapport de l’homme à ses origines et au passé. Artiste depuis son plus jeune âge, il termine actuellement un master en histoire de l’art à l’Université de Neuchâtel. «Ma passion remonte à très loin quand j’étais enfant, explique-t-il. A l’âge de 11 ans, j’ai commencé à m’y mettre sérieusement auprès du peintre soleurois Fritz Guggisberg, dont j’ai fréquenté régulièrement l'atelier jusqu'en 2006.» Il y copie les maîtres anciens – Holbein, Dürer, Rembrandt –, découvre les atmosphères éthérées de Turner, l’expression puissante des paysages de Ferdinand Hodler et apprend les techniques du dessin, de la peinture à l’huile, du pastel et de l’aquarelle, notamment.

Un vrai touche-à-tout

En 2006, il abandonne l’art et se tourne vers la littérature et de la musique. Il s’intéresse alors au théâtre, écrit plusieurs textes littéraires et collabore à la production d’opéras. «L’univers de l’art lyrique est un milieu vaste. Les chanteurs viennent des quatre coins du monde et ont beaucoup à apporter. C’est magique et il y a une vraie émulation.» Travailleur de l’ombre, il est tour à tour assistant à la mise en scène, traducteur ou encore réalisateur. Une manière pour Niklaus de fuir les bancs d’école, lui qui réfute l’étiquette d’étudiant. «Je ne me vois pas en tant que tel, avoue-t-il. J’ai toujours passé plus de temps sur des projets plutôt qu’en cours.»

Le jeune homme qui se décrit comme exigeant et tyrannique envers lui-même doit pourtant faire des choix car dans la vie, «on ne peut pas tout faire». Ces années passées dans l’ombre sont, pour l’artiste, une première incursion dans la vie culturelle. Après ses expériences à l’opéra et au théâtre, Niklaus Manuel Güdel fréquente l’Université de Bâle, s’intéresse à l’histoire de la littérature et publie des travaux de recherche sur Henri Murger et la bohème. Aujourd’hui encore, il mène des projets de recherche sur Ferdinand Hodler, dont il vient de publier un livre.

En 2009, il fonde la prestigieuse revue Les lettres et les arts dont il est actuellement encore le directeur. Mais lorsqu’il quitte la cité rhénane, il se refuse à l’abandonner. «Elle m’a suivie à Neuchâtel. D’ailleurs, une bonne partie des collaborateurs est neuchâteloise et formée à l’Université. Toutefois, je tiens à préciser que ce n’est pas une revue universitaire et encore moins estudiantine. Il y a certaines étiquettes que je ne supporte pas», confie-t-il dans un sourire. Un an plus tard, il se rend à l’atelier pour «voir la poussière accumulée» et reprend les pinceaux. Petit à petit, le goût revient. En 2011, c’est le déclic: un voyage au Costa Rica, pays de sa maman va définitivement changer la donne. «Ce fut une exaltation du cœur et de l’esprit incroyable.» Sur ses terres originelles, Niklaus Manuel Güdel redécouvre des couleurs vives et des odeurs qui lui rappellent la peinture à l’huile. «C’était un bonheur absolu, et un plaisir fou. J’y suis resté deux mois, assez pour nourrir un style propre.»

Travail de mémoire

À son retour, la tête encore remplie de souvenirs et habité par «ce nouveau truc», il se lance dans la réalisation d’une toile intitulée Ghost Memorial qui sera la première d’une longue série. Car son inspiration, c’est dans son histoire et ses souvenirs personnels que le Costaricano-Suisse la puise. Modulant sur les dualités, il allie ainsi le dessin à la peinture, le noir et blanc à la couleur, pour montrer le double accès à la mémoire ; instant vivant dans le souvenir de l’homme, et pourtant bien mort et figé dans le cours du temps. «J’ai d’abord peint des fonds luxuriants qui entouraient une silhouette vide. Petit à petit, j’ai laissé apparaître les traits du visage pour trouver une meilleure expression à la présence de l’absence. Il m’arrive également de repeindre d’anciennes toiles pour jouer avec la transparence et laisser deviner ce qu’il y avait dessous auparavant.»

L’expression de sa peinture se construit donc autour du thème de la mémoire. Aux souvenirs personnels qu’il puise dans l’imaginaire de son enfance, il mêle, tel un romancier qui construit son imaginaire, la belle Sophia Loren, les atouts féminins de Brigitte Bardot ou un sujet d’actualité. Ce sont autant de références qui construisent l’identité de l’artiste. «C’est la matière première, le corpus de travail», souligne-t-il.

Exposition remarquée

Malgré une vie trépidante, le jeune homme souffre de ne pas pouvoir créer chaque jour, «13 heures comme Christo». Mais entre sa passion artistique et ses études à l’Université de Neuchâtel, le choix est vite fait. «Je n’ai jamais beaucoup appris sur les bancs de l’académie. Là où j’ai le plus appris, c’est en parlant avec un professeur autour d’un café.»

En 2013, Niklaus Manuel Güdel a présenté une exposition d'aquarelles à la Galerie Rosa Turetsky à Genève. La même année, il a fait partie des 27 artistes sélectionnés pour Jungkunst, une exposition nationale d'envergure qui présente, chaque année, un choix de jeunes artistes suisses émergents. Niklaus Manuel Güdel ne vas pas s’arrêter là : des projets, il en a encore pour jusqu’en 2016 ! Mais chut ! Par superstition, ils resteront secrets.


Bio express

Né en 1988 à Delémont, Niklaus Manuel Güdel se forme dans l’atelier de Fritz Guggisberg de 1999 à 2006. Maturité fédérale en arts visuels, bachelor en littérature française et histoire de l’art aux Universités de Bâle et de Neuchâtel. Il termine actuellement un master en histoire de l’art à l’Université de Neuchâtel. En parallèle à son activité de peintre, l’artiste a collaboré à la production d’opéras et dirige Les Lettres et les Arts, revue qu’il a fondée en 2009. Depuis 2002, il expose régulièrement en Suisse romande et alémanique. En 2012, paraît une monographie sur son cycle de la mémoire, préfacée par l’écrivain Pierre Péju. Sélectionné pour l’exposition JUNGKUNST en octobre 2013 à Winterthur, il est représenté par la Galerie Rosa Turetsky à Genève. Il exposera de nouveaux travaux à la Galerie C à Neuchâtel du 24 avril au 31 mai.