Entraîner le cerveau à mieux traiter l’information auditive

Pour comprendre les flux de paroles, il faut traiter rapidement les sons qui nous parviennent. Utilisant des exercices pour améliorer cette capacité, deux études de l’UNIL-CHUV ont permis de décrire les effets de cet apprentissage sur le fonctionnement du cerveau.

Dirigée par le Dr Lucas Spierer de l’Université de Lausanne et du service de neuropsychologie et neuroréhabilitation du CHUV, en collaboration avec le Dr Jeremy Grivel du service de psychiatrie communautaire du CHUV, cette double étude donne pour la première fois une image très précise des modifications cérébrales permettant d’augmenter la vitesse de traitement de l’information auditive.

L’aptitude à tirer du sens de notre environnement auditif dépend de la capacité du cerveau à analyser en temps réel les variations rapides des flux sonores. Une compétence que l’on peut stimuler avec des exercices, réalisés par les équipes lausannoises auprès de sujets sains. Grâce à l’imagerie électrique, les chercheurs ont révélé les modifications du cerveau entraînées par ce «sur-apprentissage». La description de ces processus cérébraux leur permet de proposer des pistes pour améliorer la prise en charge de nombreux types de patients, incluant notamment les cérébro-lésés ou les dyslexiques.

Ces résultats montrent qu’un entraînement à une tâche nécessitant des traitements auditifs rapides induit une latéralisation progressive du fonctionnement du cerveau : alors qu’en début d’entraînement la tâche est prise en charge par les deux hémisphères cérébraux, le traitement auditif est progressivement transférée sur le lobe temporal de l’hémisphère gauche, une région importante dans la perception du langage. L’hémisphère droit abandonnant ainsi cette prise en charge du traitement auditif pour laquelle il est moins compétent. En outre, l’amélioration des performances a découplé de plus en plus l’activité des deux hémisphères, alors qu’ils travaillaient au départ en forte interaction pour réaliser les traitements auditifs. «Selon notre hypothèse, l’hémisphère droit peut perturber le gauche en saisissant moins rapidement les informations auditives. L’augmentation de la performance est ainsi atteinte par deux mécanismes agissant de concert: une spécialisation fonctionnelle de l’hémisphère gauche et sa «libération» de l’influence négative de l’hémisphérique droit», explique le Dr Lucas Spierer.

Ces études confirment les formidables propriétés de plasticité du cerveau, qui a la capacité de se modifier en profondeur pour fonctionner plus efficacement et nous permettre ainsi de réaliser de meilleures performances ou d’acquérir de nouvelles aptitudes. Les résultats montrent que cette plasticité modifie tant les régions impliquées dans la réalisation de certains types de traitements perceptifs que la manière dont elles interagissent avec d’autres régions du cerveau.

Les chercheurs démontrent de plus qu’en terme de performance perceptive, il peut y avoir un clair avantage à utiliser des régions plus restreintes et spécifiques du cerveau, plutôt que de recruter le plus de ressources cérébrales possibles. Leur travail permettra par exemple d’affiner les exercices proposés aux patients cérébro-lésés, ou dyslexiques, pour les aider à récupérer ou à améliorer leurs performances auditives, essentielles à la compréhension du langage oral.

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