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La Suisse en manque d'étudiants européens après avoir restreint la libre circulation

La fermeture de la Suisse aux étrangers pénalise son enseignement supérieur. Après le succès de la votation du 9 février restreignant l’accueil des étrangers au nom du refus de l’« immigration de masse », les dégâts se font sérieusement sentir dans les universités et compliquent les échanges d’étudiants au sein de l’Europe.


L’atteinte à la libre circulation des personnes, pilier de la coopération européenne, a, de facto, sorti la Suisse du dispositif Erasmus +. Effet immédiat : beaucoup moins d’étudiants européens ont postulé à l’automne 2014 pour venir dans l’une des douze universités de la Confédération helvétique. La chute des candidatures est évaluée entre 10 % et 30 %, selon la Conférence des gouvernements de Suisse occidentale. « C’est vraiment dommage pour ces étudiants à qui nous offrons des conditions d’études luxueuses, avec des logements à disposition, et des possibilités de stages », se désole Marielle de Dardel, chef du service des relations internationales de l’université de Fribourg.

Conscient des effets dévastateurs de la fermeture d’Erasmus +, le gouvernement confédéral a pris des mesures provisoires en redistribuant l’enveloppe de 22,7 millions de francs suisses (18,9 millions d’euros) qu’il versait à l’Union européenne sous forme de bourses aux étudiants en mobilité, entrants comme sortants. Mais leur montant, de 460 francs suisses (382 euros), reste très insuffisant pour vivre en Suisse et, faute d’Erasmus, n’est plus complété par d’autres institutions ou collectivités locales du pays d’origine. « Cela oblige notre établissement à verser des bourses complémentaires, ce qui coûte cher et peut être une perte d’attractivité auprès d’étudiants internationaux », craint Lionel Pousaz, responsable de la communication de l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), qui accueille près de 40 % de non-Suisses.
Bricolage

L’EPFL, établissement prestigieux, a toutefois réussi à renouveler ses accords avec 150 universités européennes. Mais, faute d’accord cadre européen, les universités suisses sont contraintes de négocier ces conventions établissement par établissement, pays par pays. L’université de Lausanne a ainsi essuyé sept échecs d’universités italiennes et espagnoles, sur 220 conventions. Certains établissements réclament désormais des frais élevés. La clause de réciprocité d’Erasmus + qui dispense l’étudiant voyageur de régler les frais des scolarités de l’établissement d’accueil, ne joue plus.

Une nouvelle votation dite Ecopop, qui aura lieu le 30 novembre, si elle est adoptée, durcira encore l’accueil des étrangers en Suisse avec ses conséquences funestes pour les études et la recherche. « Ce serait à nouveau un mauvais message adressé à l’Europe, qui compromettrait durablement la coopération sur la recherche », s’inquiète Ivan Ordas Criado, porte-parole de l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES). « On parvient à bricoler des accords pour l’accueil d’étudiants Erasmus, mais ce sera beaucoup plus compliqué pour les chercheurs », renchérit Marielle de Dardel, qui constate que déjà deux chercheurs, un Allemand et un Italien, ont renoncé à venir, la Suisse ne pouvant plus être pilote d’un programme de recherche européen mais seulement associée.

C’est en 2016 qu’entrera en vigueur le contrôle effectif de l’immigration en Suisse et l’Europe risque alors fort de fermer toute coopération de recherche « si l’Union européenne accepte de transiger avec la Suisse sur le principe de libre circulation des personnes, tout en lui donnant accès à ses financements, à ses bourses et à ses programmes de recherche, beaucoup d’autres pays de l’Union voudront en faire autant », prédit Antoinette Charon Wauters.

(source le monde)

 

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