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Études & nutrition

Bien concilier son assiette et ses cahiers

Diététicienne de formation, Laurence Vernay enseigne désormais la nutrition et est conseillère aux études à la Haute école de santé de Genève (HEDS-GE). Elle a accepté de recevoir etumag afin de répondre à quelques questions capitales sur le contenu de nos assiettes.


Quel est le lien entre le bien-être corporel et mental?

Cette question me fait immédiatement penser à la définition de la santé de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui stipule qu’être en bonne santé c’est être dans un état complet de bien-être physique mais aussi mental et social. Il ne suffit donc pas uniquement de ne pas avoir de maladie pour être en bonne santé. Évidemment, la nourriture joue un rôle parmi d’autres facteurs.


En tant qu’étudiant, bien nourrir son cerveau, ça veut dire quoi?

Lorsqu’on se nourrit, on ingère des aliments contenant des nutriments qui sont absorbés par l’organisme. Pour fonctionner, notre cerveau a besoin de glucose, c'est-à-dire de sucre. S’il n’en trouve pas, il en fabrique à partir des graisses ou, s’il y est obligé, à partir des protéines. Il y a énormément de nutriments très intéressants pour le cerveau que l’on trouve dans certains aliments, comme par exemple les antioxydants qui évitent la détérioration des cellules du cerveau et nous préserve des maladies.


Les étudiants mangent-ils vraiment mal?

Le plus souvent, ils mangent par rapport à l’argent qu’ils ont. Il arrive que leur budget ne soit pas suffisant pour manger équilibré. Nos étudiants en nutrition par exemple, qui sont pourtant avertis, ne mangent pas spécialement dans des grandes chaînes de restaurants qui proposent des assiettes équilibrées. La plupart du temps, ils amènent leurs repas cuisinés la veille.

Dans tous les cas, je pense qu’il y a de tout, mais pour manger correctement, il faut y trouver un intérêt et cela dépend aussi de l’éducation. En Suisse, celle-ci est bonne, donc normalement les étudiants peuvent se donner les moyens de s’intéresser à l’alimentation. L’image corporelle et la préservation de notre corps poussent aussi ceux qui s’en soucient à faire attention. Manque de temps, manque d’argent. Si on n’a pas de notion sur le sujet on se fait vite avoir. Il faut de la motivation.

Ce qui pose plus problème c’est la consommation excessive d’alcool chez les étudiants. C’est une substance bourrée de calories et toxique en trop grande quantité. Cela va devenir un problème de plus en plus important.


Quel serait le régime estudiantin idéal?

Un régime alimentaire varié qui compose avec tous les aliments. Ce qui est le plus difficile, c’est de manger nos 5 fruits et légumes par jour. Il faudrait commencer par se demander quels légumes vont se retrouver dans nos assiettes, et seulement après composer avec le reste qui est toujours plus facile à attraper dans les armoires.


L’obésité touche-t-elle spécialement les étudiants suisses?

Dans les statistiques on met souvent surpoids et obésité ensemble. Récemment, une étude a donné les dernières statistiques mondiales sur l’obésité: elle augmente chez les hommes et chez les femmes.

Par contre, dans les pays industrialisés, depuis 2006, chez l’adulte, l’obésité a tendance à diminuer. Mais pour ce qui est de l’enfant et de l’adolescent, elle augmente dans tous les cas, que ce soit dans les pays riches ou en voie de développement. On voit que les enfants et les adolescents prennent de plus en plus de poids car ils mangent trop de produits sucrés et gras, ce qui entraîne des problèmes de santé. Si l’étudiant ne s’intéresse pas à son alimentation il va manger n’importe quoi à midi et effectivement prendre du poids. C’est ici encore une question d’intérêt, de motivation, d’éducation et de moyens.


Quels sont les impacts d’une nourriture trop grasse?

Manger gras à midi entraînera une sieste à 14 heures. Il faut manger selon l’équilibre alimentaire, la fameuse pyramide des aliments que l’on connaît tous. Si on l’observe, on remarque que les graisses se situent tout en haut de la pyramide, donc on en a besoin en quantité minime.


Qu’est-ce qui est souvent négligé par les étudiants?

En règle générale, la variété. Même quelqu’un qui mange bien peut retomber facilement dans ses habitudes et se retrouver avec le même contenu dans son caddie toutes les semaines. Ce n’est pas un hasard, nous avons tous des penchants et de la peine à en sortir. Ainsi, manger du riz, des pâtes et des pommes de terre toute la semaine ce n’est pas terrible. Il y a un grand choix de farineux disponibles dans les commerces qui nous permettrait d’en consommer un différent à chaque repas. Le problème de l’étudiant type, c’est qu’il ne peut pas avoir 25 céréales dans son placard, pour des raisons de place et d’argent. Il a aussi de moins en moins de temps pour cuisiner, donc il vise la simplicité.

Mais à partir du moment où on est simple, on est moins varié. Pour autant, on peut être étudiant avec peu d’argent et quand même manger équilibré chez soi ou dans la rue! Le sandwich, souvent décrié, peut être tout à fait correct s’il ne s’agit pas d’un bagna thon-mayonnaise. Tout est une question de variété, même du pain c’est bon pour la santé mais il faut varier et surtout ne pas abuser sur la quantité.


Sauter le petit déjeuner, quel impact sur une journée d’étude?

L’importance du petit déjeuner est de plus en plus disputée et remise en cause. On a longtemps dit qu’il fallait en manger un pour éviter le coup de pompe de 11 heures et de se ruer sur le repas de midi. Cependant, beaucoup de gens ne prennent pas de petit déjeuner à 7 heures du matin mais grignotent quand même quelque chose à 9 heures. Toutefois, il faut bien choisir ce qu’on décide de consommer à la place du déjeuner, préférant plutôt une barre de céréales ou un ballon qu’un croissant au chocolat par exemple. Le risque de ne rien manger du tout c’est de grignoter, d’augmenter la quantité du repas de midi ou encore de mal le choisir parce qu’on s’est privé du repas précédent.


Les pâtes, simples et peu onéreuses, sont-elles un cauchemar de la diététique?

Quand on ne sait pas quoi faire, on fait des pâtes. Mais elles ne sont pas du tout un cauchemar diététique! Les farineux sont proches de la base de la pyramide pour une alimentation équilibrée… mais il n’y a pas que les pâtes! Encore une fois, il s’agirait de varier.


La nourriture saine est-elle devenue une mode par les temps qui courent?

Je ne pense pas. La population terrienne prend de plus en plus conscience que l’alimentation joue un rôle dans la santé mais certaines populations sont plus sensibles à cela. Les personnes avec un haut niveau d’éducation sont plus intéressées par l’alimentation et ont donc moins de problèmes de maladies chroniques et d’obésité dans leurs familles. L’intérêt envers l’alimentation et une bonne nutrition a grandi chez la population. La connaissance a aussi augmenté et ne cesse de le faire. On ne sait pas encore tout de ce qui est bon et moins bon à manger. Quand bien même, toutes les recommandations qui sont publiées sont attestées: les 5 fruits et légumes par jour ne sont pas tombés du ciel!

Surtout, il ne suffit pas uniquement de bien manger! L’exercice physique l’est tout autant, voire plus important encore. La santé, ce n’est pas uniquement bien se nourrir, mais ça passe aussi par celà!  | gr