Douleurs chroniques, découvertes de la racine du mal

Si la médecine a fait de grands progrès en matière de traitement de la douleur, certaines formes chroniques résistent aux remèdes actuels. En identifiant un nouveau mécanisme de dérégulation responsable des douleurs neuropathiques, le Laboratoire du Centre d'antalgie du CHUV-UNIL, conjointement avec le Département de recherche clinique de l'Université de Berne et en collaboration avec le Laboratoire d'étude sur la neurodégénérescence de l'EPFL, ouvre la voie à des pistes thérapeutiques inédites.


En Suisse, 20% de la population souffre de douleurs chroniques, dont environ un tiers sont des douleurs dites «neuropathiques» rebelles aux antalgiques classiques. On peut citer à titre d'exemples la hernie discale, la névralgie du trijumeau, les zonas, les neuropathies du diabète ou induites par les chimiothérapies qui altèrent le système nerveux, lequel se met alors dans un mode anormal d'hyperexcitabilité/hypersensibilité. Dans ces douleurs chroniques, le «signal douleur», un courant électrique qui circule dans les neurones servant à protéger l'organisme des dangers, est radicalement augmenté, voire survient spontanément de façon incontrôlée.

 

Aucun médicament actuel n'est efficace

Encore peu connus, les mécanismes responsables de ces douleurs neuropathiques ne sont pas ciblés de manière spécifique par les antalgiques actuels et la douleur ne sera atténuée que chez la moitié des personnes. Ce manque d'efficacité des traitements peut avoir des conséquences dramatiques chez les patients, engendrant une importante diminution de la qualité de vie d'un point de vue professionnel, familial et social ainsi que des troubles sévères du sommeil, dépressifs et anxieux.
La compréhension des mécanismes à l'origine de l'augmentation de l'excitabilité du système nerveux après la lésion d'un nerf est au coeur du travail de thèse de Cédric Laedermann, chercheur au Centre d'antalgie du CHUV-UNIL. Cette étude fait aujourd'hui l'objet d'une publication dans The Journal of Clinical Investigation. Elle a été codirigée par Isabelle Decosterd, professeure associée à la Faculté de biologie et de médecine de l'Université de Lausanne et directrice du Centre d'antalgie du CHUV, ainsi que le professeur Hugues Abriel, directeur du Département de recherche clinique de l'Université de Berne.

 

Le «système de freinage» de la douleur est dérégulé

Dans le détail, les chercheurs ont mis en évidence une molécule nommée ubiquitine ligase Nedd4-2, dont la dérégulation et plus particulièrement la diminution en cas de lésion d'un nerf contribue aux douleurs neuropathiques. «Nedd4-2 agit habituellement comme un frein sur le nombre de canaux ioniques qui génèrent le courant électrique. Sa diminution augmente la quantité de ces canaux à la surface des neurones, avec pour conséquence une information fausse de douleur qui sera transmise au cerveau», explique Cédric Laedermann. En d'autres termes, Nedd4-2 fonctionne comme un «système de freinage»: en empêchant l'accumulation des canaux le long des nerfs, il régule le passage de l'information douloureuse du neurone vers la moelle épinière puis le cerveau.
Pour les aider dans leurs investigations, les scientifiques ont aboli Nedd4-2 dans une lignée de souris génétiquement modifiées qui, par conséquent, présentent une hypersensibilité à la douleur. A l'opposé, par une approche de thérapie génique, un vecteur viral a permis de restaurer une quantité normale de Nedd4-2 chez des souris avec des signes de douleurs neuropathiques. Le système de frein de la Nedd4-2 a ainsi été rétabli et les signes de douleurs neuropathiques ont été atténués chez ces rongeurs.

 

Vers de nouvelles voies thérapeutiques

En plus d'élucider un mécanisme fondamental, cette étude offre une cible thérapeutique inédite synonyme de traitements potentiels novateurs. «En ciblant un mécanisme spécifique aux douleurs neuropathiques, sur la dérégulation des canaux ioniques et non pas leur blocage, non seulement nous rendons le traitement beaucoup plus sélectif et ainsi potentiellement plus efficace, mais nous diminuons également les risques d'effets secondaires», conclut Isabelle Decosterd.

 

Source: COM

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